Il est partout !

Un fou sévit, hop, une loi ! Encore plus rapide que Lucky Luke pour dégainer son nouveau code pénal que l’encre de la dernière modification n’est même pas sèche… Et je ne parle même pas de gros mots comme décrets d’application – mais nous y reviendrons…

Jeune poignardé à Grenoble : Sarkozy annonce une réforme de l’HP

L’Elysée a annoncé, jeudi 13 novembre, que Nicolas Sarkozy a demandé aux ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé de lancer une réforme de l’hospitalisation psychiatrique, après la mort d’un étudiant poignardé mercredi par un homme échappé d’un hôpital à Grenoble, a annoncé l’Elysée.

Lors d’une réunion à l’Elysée avec Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati et Roselyne Bachelot, le chef de l’Etat a demandé « aux trois ministres de préparer sans délai une réforme en profondeur du droit de l’hospitalisation psychiatrique », a indiqué la présidence dans un communiqué.

Cette réforme devra permettre de « mieux encadrer les sorties des établissements« , « améliorer la surveillance des patients susceptibles de représenter un danger pour autrui, dans le cadre notamment de la création d’un fichier national des hospitalisations d’office« , et « clarifier le partage des compétences administratives dans le pilotage de ces dossiers », ajoute l’Elysée.

Il a annoncé un projet de loi que devra préparer sa ministre de la Santé Roselyne Bachelot sur l’hospitalisation d’office. Mesure-phare: la sortie, même temporaire, des patients hospitalisés de force sera désormais soumise à l’approbation finale du préfet. « La décision, ce doit être l’Etat ou dans certains cas la justice, pas les experts« , [NDR Il peut y avoir une certaine logique, mais dit comme ça, cela me fait froid dans le dos, en rapport avec certains pays ou l’Etat a beaucoup décidé des internements, seul…] a-t-il jugé. Même si « l’avis des experts est indispensable », « je ne suis pas pour une société d’experts« , a-t-il lancé devant une centaine de professionnels de la psychiatrie qui ont manifesté une certaine désapprobation.

« Les malades potentiellement dangereux doivent être soumis à une surveillance particulière », « certains patients hospitalisés sans leur consentement seront équipés d’un dispositif de géolocalisation » capable de donner l’alerte en cas de fugue, a-t-il annoncé et des chambres d’isolement seront également aménagées.

Beaucoup de médecins ont marqué leur réticence face à l’accent mis sur la surveillance et les malades hospitalisés sous la contrainte. Le Pr Jean-Pierre Olié, chef de service hôpital Sainte-Anne de Paris, a jugé « surprenant » la surveillance du patient par GPS, qui relève selon lui de la « confusion entre délinquance et maladie ».

Plus tôt, le chef de l’Etat avait fait part de sa « consternation » devant la mort de l’étudiant et exprimé « sa sympathie très attristée aux parents et à l’entourage de la victime ».

Cet étudiant-chercheur d’une école d’ingénieur est décédé dans la soirée de mercredi, vers 22h45 au CHU de Grenoble qui l’avait admis dans un état critique, après qu’il eut reçu un coup de couteau dans le ventre. Ses blessures ont été provoquées par un homme de 56 ans qui s’était échappé d’un hôpital psychiatrique où il était placé d’office après des faits similaires.

L’équipe médicale de l’hôpital où était interné le déséquilibré, n’avait pourtant observé aucun signe laissant « présager qu’il allait commettre » de tels « actes », avait déclaré à RTL le directeur de l’hôpital de Saint-Egrève (Isère).

« Rien, en ce qui concerne l’équipe médicale, qui a observé ce patient ces derniers temps, ne laissait présager qu’il allait commettre des actes de la nature de ceux qui lui sont reprochés aujourd’hui », avait déclaré le directeur, Michel Gellion, peu avant le décès de l’étudiant.

« L’équipe médicale estimait qu’il y avait nécessité de le réhabiliter dans le sens où il faut le réhabituer à vivre dans la cité », avait-il poursuivi.

Mercredi, l’homme, qui souffrirait de schizophrénie, a fugué, pris un bus pour Grenoble, acheté un couteau avant de frapper le premier passant venu, un étudiant de 26 ans. Par le passé, il avait déjà commis trois agressions du même type, blessant grièvement trois personnes.

L’homme serait l’auteur de trois faits similaires par le passé, qui auraient abouti à son placement d’office en hôpital psychiatrique. En 1989, il a poignardé dans le ventre un clochard à Grenoble, en 1995 un autre passant dans la ville après s’être échappé de l’hôpital, puis en 2006 un résident d’une maison de retraite de Miribel-les-Echelles (Isère).

NOUVELOBS.COM

Clairement, l’acte est attroce. La réaction du personnel médical l’est aussi, qui s’étonne que ce malade ait récidivé une quatrième fois…

Les soins psychiatriques sont à l’évidence à reformer.

MAIS :

  1. pourquoi c’est toujours Sarko qui s’occupe de tout ?
  2. pourquoi c’est toujours suite à un fait divers qu’on veut traiter un problème ?
  3. a fortioti dans l’urgence ?
  4. et surtout, comment dire, rarement dans le sens d’une amélioration des libertés publiques (mais oui, ne pas se prendre un coup de couteau est aussi une sacrée liberté publique !)… ?

A l’occasion des 60 ans de la déclaration universelle des droits de l’homme, vous trouverez ici une longue interview de Robert Badinter au Nouvel Observateur.

Je retiens pour ma part ce paragraphe :

badinter Quelle "Patrie des droits de lhomme" ? N. O. – Et la France, est-elle un modèle en Europe ?

R. Badinter. – Non. On assiste à un rétrécissement du champ des libertés publiques qu’il s’agisse des fichiers, des pouvoirs d’enquête, de l’extension de la garde à vue, des multiples formes de surveillance et de contrôle.

Mais le plus préoccupant est la surpopulation dans les prisons françaises qui demeure «l’humiliation de la République», comme le disait un rapport parlementaire. C’est un problème national grave. Tout ce qui échappe au regard – les prisons, les centres de rétention, les dépôts, les locaux de garde à vue, en partie les hôpitaux psychiatriques – ne mobilise pas l’attention des citoyens. Alors qu’on va célébrer la «Déclaration universelle des droits de l’homme», il faudrait relire les passages concernant la dignité humaine.

Les présidents successifs de la République aiment à rappeler que la France est la patrie des droits de l’homme. La vérité historique est que la France est la patrie de la «Déclaration des droits de l’homme», ce qui n’est pas la même chose !

A nous de faire en sorte que la réalité soit conforme à la «Déclaration» !

Trouvé sur le blog de Maitre Eolas :

Des images pour le dire

Les mots ont un pouvoir, mais limité. Parfois, souvent, des images font mieux.

Venez, je vous emmène dans les sous-sols et les arrières-cours de la République.

Voici deux endroits où, au dessus de l’entrée, vous pourrez lire « République Française — Liberté, égalité, fraternité. »

Le premier est la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, où j’ai quelques clients en ce moment même. Des détenus ont réussi à faire passer à l’intérieur une arme terrible. Une caméra vidéo. Ils en ont sorti 2h30 d’images, dont Le Monde nous offre un petit montage. Les douches extérieures et intérieures. Les cellules. La saleté. Ce que même les avocats ne voient pas.

 

On en apprend plus sur les sites du Monde.fr et du Figaro.fr

Et maintenant, de l’exotisme, avec le Centre de rétention de Pamandzi, sur l’île de Mayotte. Un centre de rétention n’est pas une prison. C’est un endroit où sont placés des étrangers en attente de leur reconduite à la frontière. En l’espèce, un seul pays : l’Union des Comores. Mayotte fait partie de cet archipel de quatre grandes îles. Trois îles ont accédé à l’indépendance en juillet 1975 : Grande Comore, Mohéli, et Anjouan. La quatrième île, Mayotte, est restée française car le non à l’indépendance l’a emporté, sur décision unilatérale du premier ministre français d’alors (un certain Jacques Chirac). Avec pour conséquence la séparation de familles : les mahorais ont tous des cousins aux Comores et vice-versa.

En attendant leur expulsion, ils sont placés au centre de rétention de Pamandzi. Capacité : 60 places. Occupation effective : environ 200. La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité a, dans un avis du 14 avril 2008 sur lequel je vais revenir, déclaré, dans le plus pur style dit de l’euphémisme administratif :

Les conditions de vie au centre de rétention administrative de Mayotte portent gravement atteinte à la dignité des mineurs retenus, demandant que « les mineurs ne soient plus placés en rétention dans l’actuel centre de rétention administrative de Mayotte ».

 

 

Voici des images du centre de rétention de Pamandzi, en octobre dernier. Voyez l’image à 1’19 » pour voir comme il a été tenu compte de cet avis.

 

Alors fatalement, quand on voit cela, on comprend mieux le post de Maître Eolas appelé La lettre :

Par Eolas, vendredi 12 décembre 2008

C’est une enveloppe perdue parmi les factures, les recommandés et les courriers officiels. Elle attire tout de suite l’attention par son écriture tremblante, un peu enfantine, signature de celui pour qui écrire est une épreuve. Un coup d’œil au dos confirme l’intuition. Un nom, un numéro d’écrou, une adresse que l’on connaît par cœur : c’est la lettre d’un client détenu. C’est la première qu’on lit, toujours.

À l’intérieur, du papier à lettre bas de gamme avec des lignes pré-tracées, ou parfois la simple page d’un cahier d’écolier arrachée, à gros carreaux, parce que c’est là-dessus qu’il a appris à écrire.

C’est un client que l’on vient de défendre aux assises, pour un braquage minable. Pas de blessés, mais un casier bien fourni. 7 ans fermes. Une autre affaire en cours, en correctionnelle, mais qui ajoutera quelques années au compte à rebours avant la sortie. Peu de chances d’obtenir la confusion des peines, mais le client le sait et s’est fait une raison.

Cela fait quatre ans qu’il est en détention provisoire. Aucun problème de discipline. Il a été transféré dans quatre maisons d’arrêt d’affilée au cours de l’instruction. Ce qui a eu pour conséquence que pendant trois années, il n’a pas eu de parloirs avec sa famille, trop pauvre pour faire le voyage jusqu’à ses lieux de détention. Il n’a pas vu son fils pendant trois ans (il en a sept aujourd’hui). Il l’a vu grandir par ses dessins et les photos glissés avec le courrier, et son sourire édenté est la principale source de lumière de sa cellule.

Le procès d’assises l’a ramené il y a trois mois dans la maison d’arrêt de sa ville d’origine. Il a enfin pu revoir sa famille. Sa compagne. Sa mère. Son fils.

Mais le verdict est tombé, il ne fera pas appel. Il est encore sous mandat de dépôt pour une autre affaire, mais cette maison d’arrêt est trop pleine.

Un vendredi, on vient lui apprendre qu’il allait repartir pour une autre maison d’arrêt. Loin. Trop loin pour sa famille.

Alors, le mardi suivant, il a pris le stylo que se partagent ses codétenus et lui, une feuille de papier et il a écrit à son avocat, car il n’y a qu’à lui qu’il arrive à se confier. C’est le seul qui l’écoute, le comprend, le défend. Et il a écrit, avec peine, ces mots que l’avocat qui le lit se prend dans la figure.

La lettre, comme cette histoire, est authentique, l’orthographe est inchangée, seul quelques éléments ont été modifiés ou ôtés pour anonymiser la lettre.

Maïtre,

 

je vous écrie car je suis a bou ils mon dis que je suis transféré alors que je vien juste d’avoir parloir avèc ma mère et que ma copine ma écrie pour me dire quelle allée venire me voir avec mon fils.

Maïtre je peu pas repartire je préfair encore me foutre en l’air, donque je suis déssidé a ma suissidé même si j’ai peur de le fair, je vé le fair d’une façon ou d’une autre parce que je peu plu vivre comme sa.

La seul chose que je demende c’est pouvoir voir ma famille et ont me le refuse, à quoi sa saire les lois ou ils dise que tou détenu doi être dans la prison la plu proche ou vie sa famille ?

Maître si je vous écrie c’est pour que quand je serai dans le journal comme encor un détenu suissidé quil s’ache pourquoi je me suis tuée, parce que ont me transfère alor que ma famille et ici et que elle ne peu pas venire me voir dans une autre prison, je conte sur vous Maître.

Et pour ma mère, vous lui diré que je l’aime, je sais je vous laisse le sale boulo mais j’ai pas la force de lui dire.

Maître je vous laisse et je vous dis encor mèrci de m’avoir défendu et soutenu, Mèrçi

La lettre date d’il y a trois jours. Aussitôt, on prend son dictaphone pour dicter un fax au directeur d’établissement lui signalant le risque suicidaire.

Et là, le téléphone sonne. C’est la mère du client. Elle est en larmes et dit que c’est très urgent. Un frisson glacial nous traverse et on dit que bien sûr, on prend l’appel.

La nuit précédente, son fils s’est ouvert les veines dans sa cellule.

Il a pu être sauvé par l’intervention rapide des surveillants alertés par ses voisins de cellule.

Aux dernières nouvelles, son transfert, repoussé par son hospitalisation, est toujours d’actualité. Les décisions d’affectation sont considérées comme des mesures administratives d’ordre intérieur ne faisant pas grief, c’est à dire insusceptibles de recours (CE, 8 décembre 1967, Kanayakis).

Depuis le début de l’année, 107 personnes se sont suicidées dans les prisons en France, le dernier en date dimanche dernier, à la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan. Il avait 24 ans.

 

 

Malheureusement, ce post ayant 9 jours, le bilan a augmenté, et on est à 111 suicides.

Une association existe, Ban Public, qui a pour but de favoriser la communication sur les problématiques de l’incarcération et de la détention, et d’aider à la réinsertion des personnes détenues. Elle animele site www.prison.eu.org tient à jour

l’observatoire des suicides dans les prisons françaises : 

 

 

bandeau_observatoire CDG 34 : Visite en prison....
L’adhésion ne coute que 25 € par an, et est déductible fiscalement à 60 %… Ça met le soutient à trois fois rien…

 

Un excellent article du Canard enchainé du 10 décembre 2008 (Je vous rappelle qu’acheter le Canard enchainé est bon pour la démocratie)

Plus d’un demi-million de gardes à vue
Flics et gendarmes mettent au trou pour un oui ou pour un non. Sanction sans jugement ? Indice d’efficacité des services ? Les gardes à vue servent à tout, sous l’oeil indifférent des procureurs, qui ne contrôlent rien…

En cinq ans, le nombre des gardes à vue a augmenté de 54 % ! Résultat : 560 000 personnes mises à l’ombre. Elles ont ainsi eu le privilège de s’initier aux joies de cette exception française qui permet aux flics d’enfermer n’importe qui, si bon leur semble.

En 2003, après une rafale de bavures, Sarko, alors mi­nistre de l’Intérieur, s’était ému de la situation. Dans une instruction en date du 11 mars, il constatait que « trop souvent encore, les conditions dans lesquelles se déroulent les gardes à vue sont insatisfaisantes, en termes de respect de la dignité des personnes. Cette si­tuation n’est pas à l’honneur de notre pays. Elle n’est pas admissible dans la patrie des droits de l’homme ».

Sauf qu’il faut faire du chiffre. Le 2 février 2007, dans une note remise aux directeurs départementaux, le mi­nistère de l’Intérieur expliquait que le nouveau taux d’efficacité de l’activité policière serait dorénavant calculé en fonction du nombre de gardes à vue (GAV). Traduction immédiate, sous les casquettes : plus on met de clients au chaud, plus les chefs seront contents.

Une bonne « GAV » peut avoir d’autres vertus. Cou­vrir un début de bavure, par exemple. Il suffit d’accu­ser de rébellion, d’incitation à l’émeute ou d’outrage le clampin que l’on a un peu secoué, un jour de mauvaise humeur. Ça fait monter les statistiques, et ça défoule. Que du bonheur ! Les procédures pour « outrage » ont, elles aussi, explosé.

Pourtant, une garde à vue, selon le Code de procé­dure pénale (on l’avait oublié, celui-là), ne sert pas à faire reluire l’activité policière. Encore moins à punir, avant tout jugement, le malappris qui a manqué de dé­férence envers l’uniforme. C’est, en théorie, une mesure purement technique qui consiste à retenir de force une personne soupçonnée d’avoir commis une infrac­tion. Autrement dit, celui qui répond à une convoca­tion ne devrait jamais être placé en garde à vue. Pas plus que celui qui accepte de suivre gentiment la pa­trouille.

Tout cela doit naturellement se faire sous contrôle. De qui ? Des magistrats du parquet ! Le procureur, dit la loi, doit être informé « dès le début de la garde à vue ». Et il a le devoir de visiter régulièrement tous les lieux **où des personnes sont retenues. Mais que le flic de base se rassure : il s’agit d’un texte qui sert juste à amuser les étudiants en droit.

Le résultat est à la mesure de la vigilance de la jus­tice : voici donc, choisis parmi des milliers d’histoires, quelques échantillons de cet entrain policier au travail.

Brigitte Rossigneux et Dominique Simonnot

Gardes à vue musclées : il n’y a pas que les journalistes! Témoignages…

  • Le 31 juillet 2008, Sylvain Garrel, conseiller municipal Vert du XVIIIème arrondissement de Paris, convoqué au commissariat pour « affaire le concernant ».

    Je me pointe à 10 heures du matin. J’avais fait plusieurs demandes, en tant qu’élu, pour visiter les locaux et contrôler les conditions de garde à vue. Aucune ré­ponse. En arrivant, j’apprends que je suis… en garde à vue, en attendant d’être confronté à un témoin. Lors d’une manif contre un projet immobilier dans mon quartier, on m’aurait aperçu en train d’abimer une dalle de béton sur le chantier. J’ai toujours nié et je fais remarquer que c’est une mesure inutile : je suis venu spon­tanément et suis disposé à revenir à l’ar­rivée du témoin. Mais les policiers refu­sent de me lâcher. Les poulets ont accepté de passer un coup de fil à ma femme car j’étais censé aller chercher mon fils de 4 ans à l’école. Mon contradicteur a rappliqué à 19 heures. Je suis sorti à 21 heures. Depuis, plus aucune nouvelle de cette his­toire.

  • Le 20 août 2008, Jean-François de Lauzun, 58 ans.

    Je rentrais chez moi, à Versailles. Il était 19 h 30 et, comme c’était désert, j’ai tra­versé sans faire attention au feu. Une policière, très agressive, me fait remarquer que le petit bonhomme était rouge. Je passe mon chemin. Mais elle me rattrape et me demande mes papiers. Le contrôle d’identité s’éternise, avec consultation des fichiers centraux. Quelques personnes ob­servent la scène. Plusieurs d’entre elles prennent ma défense. Ce qui leur vaut d’être à leur tour contrôlées. Je finis par rentrer chez moi, croyant l’incident clos.

    Mais, à 22 h 15, on sonne.Fatigué, je me suis couché tôt. J’enfile une robe de chambre et me retrouve de­vant les policiers, qui ont une convocation pour moi. Je leur fais remarquer que ce n’est pas une heure pour venir chez les gens. J’ajoute que les proportions prises par cette histoire sont ridicules et évoque des « méthodes totalitaires ». On me si­gnifie alors que je suis en garde à vue. J’aurais « incité à l’émeute » lors du contrôle !

    Je suis menotté, emmené en py­jama, enfermé dans une cellule qui sent l’urine. Je comprends vite pourquoi. Par deux fois, on me refuse l’accès aux toilettes et je dois me soulager dans un coin. L’in­terrogatoire se passe avec une menotte at­tachée à la chaise. Je suis libéré dans l’après-midi.

    Depuis, j’y pense tout le temps. Je n’ai aucune nouvelle depuis trois mois.

  • Le 21 juillet, à Paris, Pierre Conley, 28 ans.

    Je prenais un verre avec ma petite amie suédoise au soleil couchant, après un pique-nique au square du Vert-Galant. Deux hommes surgissent de derrière un saule-pleureur. Je fumais une cigarette de tabac roulé. Ils me demandent si c’est un joint. Je leur réponds que je n’en fume jamais, mais, à ma grande surprise, ils exigent que je les suive pour un contrôle intégral. Très agres­sifs, ils me tirent, en me tordant le bras. Je prends peur et appelle au secours. Ils me plaquent au sol. J’ai l’impression qu’on m’étrangle. Leurs collègues déboulent. Je suis en règle mais ils décident de m’emme­ner au poste de la rue du Louvre, où l’on me menotte. Au bout d’une heure, je suis conduit au commissariat Saint-Honoré pour un éthylotest électronique. Taux d’alcoolémie négatif : 0,13 g !

    On me ramène rue du Louvre. Quand je demande si ça doit durer encore longtemps, on me répond : « Vous n’allez pas nous casser les couilles toutes les deux mi­nutes. » Après quatre heures de ce traitement, on enlève mes menottes. J’apprends que je suis accusé d’« incitation à l’émeute » pour avoir appelé au secours. J’ai écrit à l’IGS (Inspection générale des services). Pas de réponse. Et à Michèle Alliot-Marie, qui, elle, m’a assuré par courrier de « son entière détermination à intensifier toujours plus la formation des policiers, en parti­culier en matière de déontologie. »

  • Le 28 septembre, à Paris, Augusta, 53 ans.

    Vers midi, au métro Château-Rouge, les vendeuses à la sauvette criaient : « Maïs tso ! Maïs tso », au lieu de « chaud », et ça m’a fait rire. Je venais d’acheter un épi au KFC Ménilmontant. J’ai vu les filles cou­rir et trois policiers s’avancer « Vos papiers !» J’ai tendu ma carte d’identité fran­çaise. Ils voulaient voir mon sac. « Il est interdit d’acheter ce maïs ! – Pourquoi ? – C’est un délit. – Mais je l’ai acheté au ma­gasin. – Vous êtes en état d’arrestation ! », coupe une policière.

    J’ai discuté : « Bien que d’origine nigé­riane, je ne vends rien… Rendez-moi mes affaires. » Un policier m’a alors attrapée par le bras et envoyé deux coups de botte dans les jambes. J’ai chuté, ventre à terre, son genou appuyant sur mon dos. Je me suis débattue, mon pagne s’est ouvert, j’étais à moitié nue au milieu des badauds, qui criaient, sifflaient et filmaient. Les policiers leur ont lancé des lacrymos, même sur une femme et son bébé. Ils m’ont me­nottée, emmenée dans une cellule, au com­missariat du XVIIème.

    A 14 heures, une policière me demande si je sais lire. J’ai répondu qu’étant di­plômée de l’American University of Texas et de l’American University of Paris, oui, je savais lire et écrire… A 17 heures, l’avo­cate est arrivée et, une heure plus tard, on m’a amenée, menottée, à l’hôpital. Le médecin a constaté des hématomes. Le lendemain, à midi, un policier est venu me libérer à l’ hôpital. Je suis accusée d’« outrages et rébellion ». J’ai porté plainte.

Je reprendrais pour finir le commentaire de Sébastien Fontenelle sur son blog, sur le cas d’Augusta :

Je doute que Jean-Claude Magendie,  » premier président de la cour d’appel de Paris « , se précipitera pour demander  » toute précision utile sur les conditions qui  » auront  » entouré  » ton interpellation – comme il vient de faire pour Vittorio de Filippis .

De la même façon : je ne suis pas (du tout) certain que  » le président de tribunal de Paris, Jacques Degrandi « , lancera un (courageux) appel à respecter partout le  » principe constitutionnel de proportionnalité qui régit les mesures de contraintes  » – comme il a fait hier pour Vittorio de Filippis .

Je dirais que le récit d’Augusta est un peu énervant.

Je dirais que le récit d’Augusta est même plus énervant que le récit de Vittorio (de Filippis).

(Toutes choses égales, par ailleurs.)

Il a été, parmi d’autres, publié mercredi. En as-tu entendu parler, dans la presse qui s’est il y a dix jours levée pour Filippis ?

Ah ben non, tiens couillon : Augusta, je le crois, n’est pas si barbichue que sa mésaventure puisse mobiliser nos si preux journaleux.

20minutes.fr n’a que je sache rien publié sur l’histoire d’Augusta, interpellée, déshabillée, humiliée.

Étienne  » Figaro  » Mougeotte n’a pas hurlé (du tout) que le sort fait à Augusta était :  » Intolérable ! « 

J’ai lu 160.000 papiers sur l’ » affaire Filippis « .

J’ai lu un seul papier (celui du Le Canard enchaîné ) sur l’affaire Augusta.

Et je suis très sincèrement désolé pour Filippis – mais le compte n’y est pas, de sorte qu’il faudrait maintenant que les journaleux cessent de nous tenir pour des gro(sse)s con(ne)s, et de caqueter qu’ils ne réclament rien de particulier pour eux-mêmes, et de ululer que l’ » affaire Filippis  » est (tellement)  » symptomatique  » des malheurs du simple quidam.

Dans la vraie vie : c’est l’interpellation d’ » Augusta, 53 ans « , qui est symptomatique – pour ce qu’elle révèle (ou confirme) de coutumière tartuferie politico-médiatique.

L’ » affaire Filippis  » démontre une chose, et une seule : c’est que les coteries pressiques, si promptes à s’ériger en ligues de vertu outragées quand des flics osent rudoyer l’un des leurs, continuent de regarder ailleurs, quand les mêmes s’en prennent à qui n’est pas de leur (tout, tout, tout) petit monde.

Il y aura tout à l’heure d’autres Augusta – mais nos crânes défenseurs des droits du gardé à vue barbichu sont déjà retournés à l’indifférence des classes protégées : le système est ainsi conçu qu’ils ne s’en rendent même pas (tous) compte.

Merci donc au Canard !

Interpellé, déshabillé et humilié: l’histoire de Vittorio de Filippis
Comment voir son intimité fouillée à cause du commentaire d’un Internaute (JE N’ACCEPTERAI D’AILLEURS AUCUN COMMENTAIRE CONTRE XAVIER NIEL SUR CE POST). A peine croyable…

MEDIAS – Retour sur l’affaire de l’ex-directeur de la publication du journal Libération…«Cette sinistre affaire est symptomatique des attaques du pouvoir sarkozyen contre les journalistes qui n’obtempèrent pas». Par cette phrase, le syndicat des journalistes SNJ-CGT dénonce l’interpellation de Vittorio de Filippis, directeur du développement de Libération et ex-directeur de la publication du journal, vendredi matin à 6h30. Une interprétation qualifiée de «musclée» par les agences de presse.

Car sur le site du journal, Vittorio de Filippis affirme avoir été arrêté sans ménagement et insulté devant l’un de ses deux fils, âgés de 10 et 14 ans, restés seuls alors qu’il était emmené. Interrogé au commissariat, il a été acheminé menotté au dépôt du TGI où il sera enfermé et déshabillé et fouillé à coprs à deux reprises avant d’être conduit devant la juge, selon ses dires, puis relâché vers 11h30, ce même vendredi. «Cette affaire ne s’en tiendra pas à ce moment qui a duré toute une matinée, ça ira plus loin», a-t-il dit ce dimanche au micro d’Europe 1, revenant sur des fouilles qu’il a jugées «totalement humiliantes» et se demandant «comment sont traités les étrangers sans papiers qui ne parlent pas français».

Directeur de la publication = pénalement responsable
La raison de cette interpellation? «Diffamation publique» envers Xavier Niel, fondateur du fournisseur d’accès internet Free. Celui-ci avait déposé plainte après la parution en 2006 sur Liberation.fr d’un commentaire d’un internaute, à la suite d’un article du journaliste Renaud Lecadre faisant état de ses démêlés judiciaires. Car étant alors directeur de la publication, Vittorio de Filippis était pénalement responsable de tout ce qui était publié, sur le site Web de Libé comme dans les pages du journal. «Il n’y a pas de précédent en France, aucun directeur de publication n’a subi ce que j’ai subi», a affirmé samedi Vittorio de Filippis. «Nous vivons dans un pays où l’on parle d’incarcérer les mineurs délinquants de 12 ans, on voit comment est traitée l’ultra-gauche sur l’affaire de la SNCF… On porte atteinte à la liberté de la presse, aux libertés publiques, au débat démocratique», a-t-il ajouté.

La police argue que Vittorio de Filippis aurait «pris de haut» les policiers «irréprochables» venus l’interpeller sur ordre de la juge qui avait délivré un mandat d’amener, le journaliste n’ayant pas répondu à une convocation.

La Garde des Sceaux, Rachida Dati, a déclaré lundi au Sénat que la procédure était « tout à fait régulière » dans l’interpellation de l’ex-directeur de la publication de Libération Vittorio de Filippis car quand « un citoyen ne défère pas aux convocations, on lui envoie un mandat d’amener ». [NDR Merci Rachida de défendre ainsi nos libertés…]

Sauf que l’affaire fait tache. Aussitôt, les partis politiques se sont emparé de l’histoire. L’UMP a demandé l’ouverture d’une enquête, estimant que le traitement subi par le journaliste paraissait «surréaliste» et la méthode utilisée «disproportionnée». Du côté de l’opposition, dans une lettre adressée la ministre de la Justice Rachida Dati, Jack Lang dit avoir «honte» pour son pays. «La France est-elle encore un Etat de droit? Non seulement il est gravement porté atteinte à la liberté d’expression mais surtout à la dignité des personnes. M. Filippis a été humilié devant ses enfants et ensuite maltraité par les forces de répression dans des conditions d’arbitraire absolu», a écrit l’ancien ministre socialiste.

Source 20minutes.fr

Le détail incroyable de l’interpellation figure sur le site de l’Express.

lib%C3%A9 CDG 32 : Lhumiliation, cest simple comme un pas de coup de fil Merci à Bauer – Visitez son site !

Le talentueux Maitre Eolas la commente juridiquement ici, avec son talent coutumier. Où l’on apprend que « la fouille corporelle est, je le crains aussi illégale qu’usuelle en ces lieux. » [NDR Bon à savoir…]. Sa conclusion est trop forte pour ne pas être reprise in extenso :

Ce genre de traitement, aux limites de la légalité et parfois au-delà, nos clients les subissent tous les jours. Nous protestons, sans relâche. Nous rappelons que la loi ne prévoit pas un tel traitement, que l’article 803 du code de procédure pénale rappelle que le principe est : pas de menottage, sauf pour entraver une personne dangereuse ou prévenir un risque d’évasion (devinez quoi ? Tous présentent un risque d’évasion), que rien ne permet aux policiers de soumettre des gardés à vue à ce genre d’humiliation indigne.

Sans le moindre effet.

Cette affaire, frappant un journaliste, uniquement parce qu’il a été pendant six mois directeur de la publication d’un quotidien ayant publié un article qui a déplu et qui si ça se trouve n’était même pas diffamatoire, et qui s’il l’était l’expose au pire à une amende de 12.000 euros, va attirer un temps l’attention des médias sur ce scandale quotidien qui ne provoque qu’indifférence parce que d’habitude, le monsieur qui tousse avec son slip autour des chevilles, il s’appelle Mohamed, ou il a une sale tête.

À quelque chose malheur est bon : cela rappelle que ces lois qu’on ne trouve jamais assez dures quand elles frappent autrui, elles s’appliquent à tout le monde. Et un jour, elles peuvent aussi s’appliquer à vous. Vous verrez comme elles vous protègent, ce jour là.

Ce qui me donne une transition toute trouvée pour le post suivant…
Une commission chargée de réfléchir à la justice des mineurs préconise de fixer à 12 ans l’âge à partir duquel un enfant peut être pénalement responsable de ses actes.

Les jeunes délinquants pourraient aller en prison dès l’âge de 12 ans en France, selon le rapport d’une commission chargée de réfléchir à la justice des mineurs qui sera remis à la garde des sceaux le 3 décembre prochain.

Ce rapport, dont les principales conclusions sont publiées aujourd’hui dans La Croix et Le Parisien, a été rédigé par une commission de réflexion installée en avril par Rachida Dati pour réformer l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs.

Selon La Croix, les membres de la commission, présidée par le professeur d’université André Varinard, se sont mis d’accord pour fixer à 12 ans l’âge à partir duquel un enfant peut être pénalement responsable de ses actes. Le système français actuel ne prévoit aucun âge, la responsabilité étant appréciée au cas par cas suivant le «discernement».
12+ans CDG 31 : La prison dès 12 ans? Cette proposition suscite déjà un début de polémique, la plupart des autres pays d’Europe ayant fixé l’âge de la responsabilité pénale au-delà de 14 ans. Certains membres de la commission, notamment des policiers, auraient préféré l’âge de 10 ans, croit savoir la Croix.
«Il est clair qu’on est dans cette politique du tout-pénal qui oublie complètement qu’un mineur peut être un délinquant, mais qu’il est surtout un être en construction. On ne peut pas dissocier la politique pénale de la politique éducative», a dit à Reuters la présidente du Syndicat de la Magistrature, Emmanuelle Perreux.
Et d’ajouter : «Les mineurs sont les mêmes qu’hier, ce qui change c’est le contexte économique et social. Ce discours ambiant qui consiste à dire que la délinquance des mineurs augmente est un faux discours.»

Sur le principe, les experts se prononcent pour l’impossibilité d’une incarcération d’un mineur de moins de 14 ans. «Sauf en matière criminelle», où l’emprisonnement pourrait être ordonné plus tôt, peut-être dès 12 ans.
Rappelons qu’actuellement, un mineur ne peut être incarcéré, en matière criminelle, qu’à partir de 13 ans.

12+ans+3 CDG 31 : La prison dès 12 ans?

La commission Varinard, composée de magistrats, d’éducateurs et de parlementaires, préconise également la création d’un «tribunal des mineurs à juge unique» pour juger «des délits pour lesquels la peine encourue est inférieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement».

Toutefois, les mineurs comparaissant en détention provisoire, et ceux en récidive légale devront être «obligatoirement poursuivis devant la juridiction collégiale».
(Source AFP et Reuters)

12+ans+4 CDG 31 : La prison dès 12 ans? 12+ans+2 CDG 31 : La prison dès 12 ans?

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Présentation de l’éditeur

L’ivresse et la force dont il est question ici sont bien sûr américaines. Car, selon Noam Chomsky, aujourd’hui les États-Unis agissent tout à fait dans l’esprit de l’orgueilleuse déclaration de George Bush père après la guerre du Golfe: What we say goes (« C’est nous qui commandons »). Mais, de l’Amérique latine qui relève la tête au Moyen-Orient qui résiste, le monde réel ne l’entend pas de cette oreille. Dans ce nouveau recueil d’entretiens avec David Barsamian, Chomsky analyse cette riposte mondiale en alliant les explications historiques à des informations précises sur les événements mondiaux les plus récents, informations parfois recueillies directement sur le terrain (comme au Liban ou dans plusieurs pays d’Amérique latine).

Avec la lucidité critique qu’on lui connaît, il aborde le bourbier irakien, les dernières phases du conflit israélo-palestinien, la guerre du Liban et ses suites, les tensions actuelles avec l’Iran, le bilan des succès de la gauche latino-américaine, les politiques néolibérales en Inde… Il insiste aussi sur l’impact mondial du déficit démocratique aux États-Unis, et sur les réactions de plus en plus nombreuses qu’il suscite au sein de la population américaine. Un essai stimulant pour comprendre tous les enjeux de la politique internationale de notre temps, par le penseur critique que le Boston Globe considère comme « le citoyen le plus utile d’Amérique ».

Biographie de l’auteur

Né en 1928, professeur de linguistique au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Noam Chomsky est un auteur et philosophe politique radical de réputation internationale. Parmi ses plus récents ouvrages traduits en français: La Doctrine des bonnes intentions. Entretiens avec David Barsamian (Fayard, 2006), Dominer le monde ou sauver la planète? (Fayard, 2004), Les États manqués. Abus de puissance et déficit démocratique (Fayard, 2007), La Poudrière du Moyen-Orient (avec Gilbert Achcar, Fayard, 2007).

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