Ce qu’il y a de bien avec Rachida Dati, c’est que, même dans une période où on est surchargé et où on a un peu moins de temps pour son blog, et bien elle trouve le moyen de faire un discours qui vous impose un post à une heure du mat… Donc :
08 décembre 2008
Conference de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE
Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

Je suis très heureuse et honorée de participer à cette première conférence de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, à Paris. La déontologie de la presse et la recherche de la fiabilité des sources d’information sont des garanties contre les dérives de la liberté d’expression. Car la liberté d’expression ne peut pas être une porte ouverte à la diffusion de toutes les opinions, quelles qu’elles soient. Elle impose un équilibre entre le droit à la parole et le respect des valeurs morales et politiques. La recherche de cet équilibre est plus importante que jamais au moment où nous pénétrons dans l’ère numérique, et je sais que la Ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, réfléchit avec tous nos partenaires européens sur ce sujet.
Vous avez peut-être lu trop vite, on se la refait alors…
La liberté d’expression ne peut pas être une porte ouverte à la diffusion de toutes les opinions, quelles qu’elles soient.

C’est sur le site du ministère

Est-il bien utile de faire un commentaire à cette anerie qui fait frémir (il ne manque que les « valeurs religieuses » d’ailleurs).

Allez, oui, laissons-donc Noam Chomsky parler de la liberté d’expression :

Aux Etats-Unis, la liberté d’expression est protégée à un degré que je crois inconnu dans tout autre pays du monde. C’est assez récent. Dans les années 1960, la Cour suprême a placé la barre très haut en matière de respect de la liberté de parole, ce qui exprimait, à mon avis, un principe fondamental établi dès le XVIIIe siècle par les valeurs des Lumières. La position de la Cour fut que la parole était libre, avec pour seule limite la participation à un acte criminel. Si, par exemple, quand je rentre dans un magasin pour le dévaliser, un de mes complices tient une arme et que je lui dis : « Tire ! », ce propos n’est pas protégé par la Constitution. Pour le reste, le motif doit être particulièrement grave avant que la liberté d’expression soit mise en cause. La Cour suprême a même réaffirmé ce principe en faveur de membres du Ku Klux Klan.

En France, au Royaume-Uni et, me semble-t-il, dans le reste de l’Europe, la liberté d’expression est définie de manière très restrictive. A mes yeux, la question essentielle est : l’Etat a-t-il le droit de déterminer ce qu’est la vérité historique, et celui de punir qui s’en écarte ? Le penser revient à s’accommoder d’une pratique proprement stalinienne.

Des intellectuels français ont du mal à admettre que c’est bien là leur inclination. Pourtant, le refus d’une telle approche ne doit pas souffrir d’exception. L’Etat ne devrait avoir aucun moyen de punir quiconque prétendrait que le Soleil tourne autour de la Terre. Le principe de la liberté d’expression a quelque chose de très élémentaire : ou on le défend dans le cas d’opinions qu’on déteste, ou on ne le défend pas du tout. Même Hitler et Staline admettaient la liberté d’expression de ceux qui partagaient leur point de vue…

J’ajoute qu’il y a quelque chose d’affligeant et même de scandaleux à devoir débattre de ces questions deux siècles après Voltaire, qui, comme on le sait, déclarait : « Je défendrai mes opinions jusqu’à ma mort, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez défendre les vôtres. »

Interview de Noam Chomsky au monde diplomatique

C’est moi où on en a moins parlé que de la bourde de Royal sur la célérité de la justice chinoise. C’est dommage, ça leur plairait bien pourtant cette phrase, aux chinois…

Si l’on ne croit pas à la liberté d’expression pour les gens qu’on méprise, on n’y croit pas du tout. [Noam Chomsky]
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