CDG 32 : L’humiliation, c’est simple comme un pas de coup de fil
Non classé décembre 21st, 2008MEDIAS – Retour sur l’affaire de l’ex-directeur de la publication du journal Libération…«Cette sinistre affaire est symptomatique des attaques du pouvoir sarkozyen contre les journalistes qui n’obtempèrent pas». Par cette phrase, le syndicat des journalistes SNJ-CGT dénonce l’interpellation de Vittorio de Filippis, directeur du développement de Libération et ex-directeur de la publication du journal, vendredi matin à 6h30. Une interprétation qualifiée de «musclée» par les agences de presse.
Car sur le site du journal, Vittorio de Filippis affirme avoir été arrêté sans ménagement et insulté devant l’un de ses deux fils, âgés de 10 et 14 ans, restés seuls alors qu’il était emmené. Interrogé au commissariat, il a été acheminé menotté au dépôt du TGI où il sera enfermé et déshabillé et fouillé à coprs à deux reprises avant d’être conduit devant la juge, selon ses dires, puis relâché vers 11h30, ce même vendredi. «Cette affaire ne s’en tiendra pas à ce moment qui a duré toute une matinée, ça ira plus loin», a-t-il dit ce dimanche au micro d’Europe 1, revenant sur des fouilles qu’il a jugées «totalement humiliantes» et se demandant «comment sont traités les étrangers sans papiers qui ne parlent pas français».
Directeur de la publication = pénalement responsable
La raison de cette interpellation? «Diffamation publique» envers Xavier Niel, fondateur du fournisseur d’accès internet Free. Celui-ci avait déposé plainte après la parution en 2006 sur Liberation.fr d’un commentaire d’un internaute, à la suite d’un article du journaliste Renaud Lecadre faisant état de ses démêlés judiciaires. Car étant alors directeur de la publication, Vittorio de Filippis était pénalement responsable de tout ce qui était publié, sur le site Web de Libé comme dans les pages du journal. «Il n’y a pas de précédent en France, aucun directeur de publication n’a subi ce que j’ai subi», a affirmé samedi Vittorio de Filippis. «Nous vivons dans un pays où l’on parle d’incarcérer les mineurs délinquants de 12 ans, on voit comment est traitée l’ultra-gauche sur l’affaire de la SNCF… On porte atteinte à la liberté de la presse, aux libertés publiques, au débat démocratique», a-t-il ajouté.La police argue que Vittorio de Filippis aurait «pris de haut» les policiers «irréprochables» venus l’interpeller sur ordre de la juge qui avait délivré un mandat d’amener, le journaliste n’ayant pas répondu à une convocation.
La Garde des Sceaux, Rachida Dati, a déclaré lundi au Sénat que la procédure était « tout à fait régulière » dans l’interpellation de l’ex-directeur de la publication de Libération Vittorio de Filippis car quand « un citoyen ne défère pas aux convocations, on lui envoie un mandat d’amener ». [NDR Merci Rachida de défendre ainsi nos libertés…]
Sauf que l’affaire fait tache. Aussitôt, les partis politiques se sont emparé de l’histoire. L’UMP a demandé l’ouverture d’une enquête, estimant que le traitement subi par le journaliste paraissait «surréaliste» et la méthode utilisée «disproportionnée». Du côté de l’opposition, dans une lettre adressée la ministre de la Justice Rachida Dati, Jack Lang dit avoir «honte» pour son pays. «La France est-elle encore un Etat de droit? Non seulement il est gravement porté atteinte à la liberté d’expression mais surtout à la dignité des personnes. M. Filippis a été humilié devant ses enfants et ensuite maltraité par les forces de répression dans des conditions d’arbitraire absolu», a écrit l’ancien ministre socialiste.
Source 20minutes.fr
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Le talentueux Maitre Eolas la commente juridiquement ici, avec son talent coutumier. Où l’on apprend que « la fouille corporelle est, je le crains aussi illégale qu’usuelle en ces lieux. » [NDR Bon à savoir…]. Sa conclusion est trop forte pour ne pas être reprise in extenso :
Ce genre de traitement, aux limites de la légalité et parfois au-delà, nos clients les subissent tous les jours. Nous protestons, sans relâche. Nous rappelons que la loi ne prévoit pas un tel traitement, que l’article 803 du code de procédure pénale rappelle que le principe est : pas de menottage, sauf pour entraver une personne dangereuse ou prévenir un risque d’évasion (devinez quoi ? Tous présentent un risque d’évasion), que rien ne permet aux policiers de soumettre des gardés à vue à ce genre d’humiliation indigne.
Sans le moindre effet.
Cette affaire, frappant un journaliste, uniquement parce qu’il a été pendant six mois directeur de la publication d’un quotidien ayant publié un article qui a déplu et qui si ça se trouve n’était même pas diffamatoire, et qui s’il l’était l’expose au pire à une amende de 12.000 euros, va attirer un temps l’attention des médias sur ce scandale quotidien qui ne provoque qu’indifférence parce que d’habitude, le monsieur qui tousse avec son slip autour des chevilles, il s’appelle Mohamed, ou il a une sale tête.
À quelque chose malheur est bon : cela rappelle que ces lois qu’on ne trouve jamais assez dures quand elles frappent autrui, elles s’appliquent à tout le monde. Et un jour, elles peuvent aussi s’appliquer à vous. Vous verrez comme elles vous protègent, ce jour là.