La secte des Assassins et le Vieux de la Montagne
Divers janvier 24th, 2009Un peu d’histoire, dans notre grande série « Intégrisme et manipulation mentale », mention Généalogie de Ben Laden…
Le Vieux de la Montagne (Chayr al-Jabal [peut se traduire « Vieux de la montagne » mais aussi le « Sage de la Montagne » ou encore le « Chef de la Montagne » selon le sens qu’on donne au mot « chayr »]) est l’appellation commune que les Templiers donnaient à leur ennemi juré, le grand-maître de la secte des Assassins, Hassan Sabbah (Sayyidna Hasan Bin Sabbah) (1034-1124). C’était un homme de grand savoir, grand savant, qui connaissait parfaitement les plantes et leurs vertus curatives, sédatives ou stimulantes. Il cultivait toutes sortes d’herbes et soignait ses fidèles quand ils étaient malades, sachant leur prescrire des potions pour leur rafraîchir le tempérament. Être sensé de raison et de savoir ou fou, aimable ou exécrable, préférant les mots vrais aux mots plaisants, aimant et méprisant les honneurs, » le paradis et l’enfer sont en toi » ainsi dit le grand savant Omar Khayyam (1047-1122) à son propos.
Ses hommes étaient connus sous l’appellation péjorative de Haschischins ou Haschischioun, parce qu’ils auraient consommé beaucoup de haschisch avant de se lancer dans des commandos-suicide. Leur célébrité est telle qu’ils sont à l’origine du mot « assassins ». en réalité, aucune recherche sérieuse n’a permis d’attester le recours à des drogues afin de fanatiser les hommes. Selon les textes provenant d’Alamout, Hassan lui-même aimait appeler ses adeptes « Assassiyoun », ceux qui sont fidèles au Assas, au » fondement » de la foi. Le terme pourrait aussi simplement provenir du nom d’Hassan, (Hassanjins, les djins de Hassan)
La secte est issue d’une branche de l’Islam chiite. Ses membres se déclarèrent partisans du neveu de Mahomet, lequel, étant descendant du Prophète par les femmes n’était pas reconnu par l’ensemble des musulmans. Selon les témoignages du voyageur vénitien Marco Polo (1323) et de nombreux historiens persans, les Haschischins vivaient dans la forteresse d’Alamut, à 1800 mètres d’altitude, dans le Mazenderan, au sud de la mer Caspienne, dans l’Iran actuel. Confinés dans leurs montagnes et ne disposant pas des moyens d’entreprendre des guerres conventionnelles, ils imaginèrent d’envoyer des commandos de six hommes (les fidawis) chargés de poignarder des chefs ennemis, le plus souvent tandis qu’ils se livraient à leurs dévotions dans des mosquées.
Ceux désignés pour commettre les meurtres étaient anesthésiés avec du haschisch, introduit dans leur nourriture sous forme de pâte mélée à de la confiture de rose. Le Vieux de la Montagne leur parlait longuement et les hommes s’endormaient car le haschisch est une drogue soporifique et non pas excitante. Assoupis, ils étaient transportés dans un jardin secret, au fond de la forteresse d’Alamut. A leur réveil, ils s’y retrouvaient environnés de jeunes esclaves, filles et garçons, empressés à réaliser tous leurs désirs sexuels. Ils étaient arrivés en guenilles. Ils se découvraient en robe de soie verte rehaussée de fils d’or et, tout autour, c’était le Paradis: vaisselle de vermeil, vins suaves à profusion, roses aux délicats parfums, haschisch à volonté. Drogue, sexe, alcool, luxe et volupté. Ils étaient convaincus d’être dans les jardins d’Allah, d’autant plus que ce lieu était une oasis particulièrement rare en une région aride et montagneuse.
Ils étaient ensuite de nouveau anesthésiés à la pâte de haschisch, puis ramenés au point de départ dans leurs anciennes défroques. Le Vieux de la Montagne leur déclarait alors que, grâce à ses pouvoirs, ils avaient eu la chance de goûter furtivement au Paradis d’Allah. A eux d’y retourner définitivement en mourant en guerriers ! Le sourire aux lèvres, les fidawis partaient alors docilement assassiner vizirs et sultans. Arrêtés, ils marchaient au supplice, le visage extasié. II n’y avait que les prêtres haschischins de haut échelon (sixième degré) à connaître le secret des faux jardins d’Allah.
Aucune ville, aucune province, aucune route, ne sont épargnées. Devenu maître de la rue, Hassan impose sa loi, mais ayant une grande connaissance des inimitiés règnant dans les palais, les diwans et les cours, il devient aussi maître dans l’art d’amplifier les haines entre puissants, entre héritiers… Jouant leurs jeux pervers, il leur offre alors ses services selon ses propres desseins, pour faire exécuter, poignarder, assassiner dans l’ombre. Qu’il soit un brave homme croisé au coin d’une rue, un pauvre individu vêtu de guenilles, l’exécuteur va très vite, l’éclair d’une lame, en un seul mouvement, un poignard perce le corps. Puis il se laisse prendre, torturer, égorger ou jeter dans un feu… là est la grande puissance de l’Ordre. D’innombrables messagers de la mort, Assassins d’Alamout connaîtront un tel sort, ne cherchant jamais à fuir. Assassinats politiques de dirigeants chrétiens ou perses, musulmans shiites ou sunnites…
Prêt et formé à répondre à la torture, l’Assassin récitait alors une suite de noms appris par coeur, dénoncés comme faisant partie de la confrérie, mais ciblés en fait par Hassan parmi des ennemis de la Secte. Aussitôt on recherchait les soi-disant complices. De cette façon, les juges du pouvoir local exécutaient les volontés de Hassan sans même le savoir.
La secte s’occupa d’abord de ses propres intérêts en promouvant le message d’Hasan i-Sabbah. Puis les Vieux de la Montagne constatèrent que leurs sbires fanatisés pouvaient rapporter gros. Ils louèrent leurs services au plus offrant. Les assassins se précipitaient pour se porter volontaires quand leur chef demandait: « Lequel d’entre vous me débarrassera de tel ou tel ? » Ainsi périt, entre autres, la poêtesse Açma, fille de Marwan. qui avait osé médire de ses alliés médinois, lesquels firent aussitôt appel aux bras mercenaires des haschischins.
La forteresse d’Alamut fut conquise en 1253 par le grand khan mongol Hulagu, général du grand khan chinois Mongkha. Les assassins eurent beau réclamer l’appui des sultans qu’ils avaient aidés. ceux-ci se gardèrent bien d’intervenir, trop contents de se débarrasser de ces dangereux trublions. Les haschischins massacrés purent vérifier qu’ils n’avaient connu qu’un ersatz de Paradis. Un monde sacré artificiel, fabriqué par les hommes pour les illusionner.
Un témoignage… impressionné :
Quand Djélaleddin envoya un ambassadeur à Hassan pour qu’il eût à lui rendre hommage, celui-ci dit à un de ses fidèles : « Tue-toi » ; à un autre « Jette-toi par la fenêtre », et ils obéirent sans réplique. Ils sont soixante-dix mille, ajouta-t-il, également prêts à obéir à mon premier signe.
Henri de Champagne, passant sur le territoire des Ismaélites alla visiter leur souverain, qui l’accueillit avec honneur. Sur chacune des tours dont le château était couronné se tenaient deux blancs en sentinelle ; le Sire fit signe à deux d’entre eux, et ils tombèrent brisés au pied du comte épouvanté, à qui le Vieux de la Montagne disait froidement : « Pour peu que vous le désiriez, à un autre signe de moi vous allez les voir tous à terre ». Lorsque son hôte prit congé de lui, il lui entendit prononcer ces mots : « Si vous avez quelque ennemi, faites le moi savoir, et il ne vous tourmentera plus ».
Histoire universelle de Cesare Cantù
Finissons par les mots d’Hassan :
Il ne suffit pas de tuer nos ennemis, nous ne sommes pas des meurtriers mais des exécuteurs, nous devons agir en public, pour l’exemple. Nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille. Cependant, il ne suffit pas d’exécuter et de terroriser, il faut aussi savoir mourir, car si en tuant nous décourageons nos ennemis d’entreprendre quoi que ce soit contre nous, en mourant de la façon la plus courageuse, nous forçons l’admiration de la foule. Et de cette foule, des hommes sortiront pour se joindre à nous. Mourir, est plus important que tuer. Nous tuons pour nous défendre, nous mourrons pour convertir ; pour conquérir. Conquérir est un but, se défendre n’est qu’un moyen. Vous n’êtes pas faits pour ce monde, mais pour l’autre.
Hassan Sabbah
Admirable résumé. Il a fallu attendre les Mongols pour éradiquer ce cancer. Les Américains ont eu la tête du « Vieux »
actuel, mais pas celles des assassins.