Leçon de délation façon Besson
Coup de gueule février 18th, 2009 Édito lu avec grand intêret dans l’excellent Canard enchainé, numéro 4607 du 11 février 2006
On ne le saluera jamais assez, mais cet Eric Besson, quelle trajectoire, tout de même ! Passer d’abord du socialisme au sarkozysme en pleine présidentielle, dans des conditions qu’on ne raconte plus. Entrer ensuite dans le gouvernement Fillon. Prendre sa carte et des responsabilités à l’UMP. Puis devenir fier patron du ministère affreux, celui de l’Identité nationale et des charters. Lancer, enfin, aux sanspapiers un vibrant appel à la délation en échange de titres de séjour. Et, pour couronner le tout, être adoubé par Frédéric Lefebvre, qui salue là un grand geste en faveur du « devoir républicain ». C’est l’apothéose, la consécration !
Ce sans-faute, le député villepiniste Jean-Pierre Grand le résume ainsi (« Le Figaro », 6/2) : « Après avoir quitté le PS, ce n’est pas l’UMP que Besson aurait dû rejoindre. C’est au Front national qu’il devait adhérer. » Jean-Pierre Grand est méchant. En réalité, Besson ne fait qu’appliquer fidèlement les recettes de son nouveau mentor de l’Elysée.
Il veut faire un coup ? Rien de plus facile. Besson s’invite, le 4 février au matin, chez l’ami Jean-Pierre Elkabbach, sur la radio Lagardère Europe 1. A la même heure, tiens donc, un vaste coup de filet a lieu à Paris, où sont interpellés plusieurs membres de réseaux d’immigration clandestine entre la Chine et l’Angleterre. Le moment est idéal, Besson annonce sa mesure-choc : inciter les clandestins à dénoncer les passeurs et leurs filières.
Le lendemain, le 5 février, bingo ! « Le Figaro », avec photo du ministre déterminé à l’appui, titre en gros : « Clandestins : Besson déclare la guerre aux passeurs ». Le tout accompagné, bien évidemment, d’un long développement sur la vague d’arrestations à Paris, tombées à pic.
Le même jour, pas de temps à perdre
Besson dégaine sa circulaire, déjà prête (!), à destination des préfets. En échange d’une « coopération » avec la police, tout « immigré clandestin victime de proxénétisme ou d’exploitation » pourra obtenir une carte de séjour s’il cause. Mais attention ! une carte provisoire de six mois renouvelables, seulement. Le titre de dix ans, c’est « si une condamnation effective est prononcée ». Eh oui, mon petit gars, c’est ça la politique du résultat, la prime au mérite. Si pas de condamnation, charter et retour maison !
Bien sûr, ce dispositif est révolutionnaire. Un vulgaire copier-coller de la loin de 2003 de Sarko, qui proposait l’hospitalité aux prostitués qui dénonçaient leur proxénète. Qu’importe si ce texte a prouvé son inefficacité: une dizaine de cas à peine ont fini au tribunal. Qu’importe si les sanspapiers ne causent généralement pas par peur des représailles à l’encontre de leurs familles. Qu’importe si, dans la plupart des cas, ils ignorent tout des ramifications des réseaux qui les trimballent. L’important, en Sarkozye, c’est de co-mmu-niquer. Et, surtout, d’en rajouter, avec émotion : « Aujourd’hui, je leur dis « Oui, sortez de vos ateliers, quittez vos caves ( … ) et coopérez avec nous pour démanteler ces filières. Vous serez bien accueillis, nous vous aiderons ! « », a lancé sans rire Besson, depuis son annonce.
Il ne lui manque plus qu’une étape. Aller sur France 2 pour éteindre la polémique, façon: « C’est quand même extraordinaire, mââme Chabot ! Qu’est-ce que je leur dis, moi, aux parents de la petite sans-papiers qui a payé 10 000 euros, qui a voyagé pendant deux mois dans une soute à bagages, qui a été battue et violée ? »
Allez, monsieur Besson, encore un petit effort, vous y êtes presque.
Christophe Nobili