Source : extrait de  Courrier International.com

En refusant de prendre ses congés de maternité, la ministre de la Justice a desservi la cause des femmes. Par peur, elle a refusé d’exercer un droit chèrement conquis par d’autres.

i93480dati Rachida Dati, mère Courage ? Tu parles !
Rachida Dati à son arrivée à l’Élysée, 5 jours après son accouchement
7 janvier 2009. AFP

On peut se demander si la ministre de la Justice française, Rachida Dati, s’était imaginé la volée de bois vert, presque exclusivement féminine, que lui a value le fait d’avoir crânement repris le travail en talons aiguille cinq jours à peine après avoir donné naissance par césarienne à son premier enfant, la petite Zohra. Ce qui lui a surtout été reproché, c’est que, en jouant la superwoman, en choisissant d’effectuer une démonstration de force quasi machiste, elle a porté atteinte au concept même de congé maternité pour toutes les femmes. Que, en voulant prouver que rien ne pouvait l’arrêter, elle n’a pas rendu service aux femmes, parce qu’elle donne l’impression que les autres sont faibles, qu’elles simulent, qu’elles sont des chiffes molles, elles qui insistent pour profiter entièrement de leur congé. Est-ce vraiment ce qu’on peut lui reprocher ? A mes yeux, Dati a incontestablement porté atteinte à la cause des femmes, mais pas à cause d’une quelconque démonstration de force. En réalité, en insistant simplement sur ce retour ridiculement prématuré, Dati a fait une démonstration magistrale de faiblesse féminine.

On peut aisément comprendre la colère des féministes vis-à-vis de la ministre, qui désormais, et pour longtemps, sera vue comme une sorte de Judas de la maternité. Un des aspects les plus crispants de toute cette affaire est qu’elle va apporter de l’eau au moulin sexiste de nos machos du monde du travail. En effet, elle conforte nos chefs d’entreprise dans leur conviction profonde que le congé de maternité n’est qu’un coûteux inconvénient, un luxe politiquement correct, pour ne pas dire du “foutage de gueule”. […]

En Occident, où les individus rassasiés et geignards que nous sommes peuvent se vautrer dans des lits douil­lets et prendre des calmants, je n’ai certainement pas été la seule à tiquer à la vue de Rachida Dati dans son tailleur me-revoilà et ses escarpins ne-m’enterrez-pas-trop-vite. Toutes les femmes ayant eu à subir une césarienne savent qu’elle a probablement encore les agrafes à sa cicatrice, qui doit encore saigner, et que sa montée de lait a dû commencer, autrement dit qu’elle a la poitrine à vif.

Est-il vraiment réducteur de se dire qu’elle serait mieux chez elle avec sa petite Zohra au lieu de lui adresser son amour maternel par fax ? […]

Le fait est que Dati a été trop prudente ou, si l’on veut être méchant, trop lâche pour prendre le congé auquel elle avait droit. Et, si certains peuvent arguer qu’il s’agit d’un choix personnel, il n’en reste pas moins décevant. Tout comme il est important de conquérir des droits, comme le congé de maternité, il est capital pour les femmes d’avoir le courage d’en user. Si elle faisait vraiment preuve de force de caractère, Rachida Dati aurait profité de chaque seconde du temps qui lui était accordé. Exactement comme l’aurait fait un homme.

Il est donc étrange de prétendre que Dati “se comporte comme un homme”. Si l’on excepte le comportement caricatural de quelques ma­chistes de la City, le sien n’a rien de masculin. Il suffit de voir les inégalités de salaires pour comprendre que les hommes connaissent généralement leurs droits et leur valeur. Ce n’est pas en jouant les superwomen que Rachida Dati fait du tort aux femmes, c’est, au contraire, en se comportant comme une mauviette. 

Barbara Ellen
The Observer

Ce qu’il y a de bien avec Rachida Dati, c’est que, même dans une période où on est surchargé et où on a un peu moins de temps pour son blog, et bien elle trouve le moyen de faire un discours qui vous impose un post à une heure du mat… Donc :
08 décembre 2008
Conference de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE
Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

Je suis très heureuse et honorée de participer à cette première conférence de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, à Paris. La déontologie de la presse et la recherche de la fiabilité des sources d’information sont des garanties contre les dérives de la liberté d’expression. Car la liberté d’expression ne peut pas être une porte ouverte à la diffusion de toutes les opinions, quelles qu’elles soient. Elle impose un équilibre entre le droit à la parole et le respect des valeurs morales et politiques. La recherche de cet équilibre est plus importante que jamais au moment où nous pénétrons dans l’ère numérique, et je sais que la Ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, réfléchit avec tous nos partenaires européens sur ce sujet.
Vous avez peut-être lu trop vite, on se la refait alors…
La liberté d’expression ne peut pas être une porte ouverte à la diffusion de toutes les opinions, quelles qu’elles soient.

Est-il bien utile de faire un commentaire à cette anerie qui fait frémir (il ne manque que les « valeurs religieuses » d’ailleurs).

Allez, oui, laissons-donc Noam Chomsky parler de la liberté d’expression :

Aux Etats-Unis, la liberté d’expression est protégée à un degré que je crois inconnu dans tout autre pays du monde. C’est assez récent. Dans les années 1960, la Cour suprême a placé la barre très haut en matière de respect de la liberté de parole, ce qui exprimait, à mon avis, un principe fondamental établi dès le XVIIIe siècle par les valeurs des Lumières. La position de la Cour fut que la parole était libre, avec pour seule limite la participation à un acte criminel. Si, par exemple, quand je rentre dans un magasin pour le dévaliser, un de mes complices tient une arme et que je lui dis : « Tire ! », ce propos n’est pas protégé par la Constitution. Pour le reste, le motif doit être particulièrement grave avant que la liberté d’expression soit mise en cause. La Cour suprême a même réaffirmé ce principe en faveur de membres du Ku Klux Klan.

En France, au Royaume-Uni et, me semble-t-il, dans le reste de l’Europe, la liberté d’expression est définie de manière très restrictive. A mes yeux, la question essentielle est : l’Etat a-t-il le droit de déterminer ce qu’est la vérité historique, et celui de punir qui s’en écarte ? Le penser revient à s’accommoder d’une pratique proprement stalinienne.

Des intellectuels français ont du mal à admettre que c’est bien là leur inclination. Pourtant, le refus d’une telle approche ne doit pas souffrir d’exception. L’Etat ne devrait avoir aucun moyen de punir quiconque prétendrait que le Soleil tourne autour de la Terre. Le principe de la liberté d’expression a quelque chose de très élémentaire : ou on le défend dans le cas d’opinions qu’on déteste, ou on ne le défend pas du tout. Même Hitler et Staline admettaient la liberté d’expression de ceux qui partagaient leur point de vue…

J’ajoute qu’il y a quelque chose d’affligeant et même de scandaleux à devoir débattre de ces questions deux siècles après Voltaire, qui, comme on le sait, déclarait : « Je défendrai mes opinions jusqu’à ma mort, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez défendre les vôtres. »

Interview de Noam Chomsky au monde diplomatique

C’est moi où on en a moins parlé que de la bourde de Royal sur la célérité de la justice chinoise. C’est dommage, ça leur plairait bien pourtant cette phrase, aux chinois…

Si l’on ne croit pas à la liberté d’expression pour les gens qu’on méprise, on n’y croit pas du tout. [Noam Chomsky]

Sérieusement :


Le Figaro efface la bague au doigt de la ministre de la Justice Rachida Dati

NOUVELOBS.COM 20.11.2008

La bague Chaumet de Rachida Dati, d’une valeur de 15.600 euros, a été gommée d’une photo parue en première page du quotidien Le Figaro, mercredi 19 novembre. « On l’a fait dans le feu de l’action pour éviter que l’attention se focalise sur elle (la bague, ndlr) », se justifie la responsable du service photo du journal.

602388 CDG 17 : journalistes... complices ?

La ministre de la Justice Rachida Dati .

A gauche, la photo retouchée; à droite, la photo originale. (DR Le Figaro)

Le quotidien Le Figaro a retouché une photo de Rachida Dati, parue mercredi en une, faisant disparaître une bague de prix qu’elle avait au doigt, a reconnu la responsable de la photo du journal, parlant d’une « erreur d’appréciation » et confirmant une information de lexpress.fr.

« C’est une erreur d’appréciation, on l’a fait dans le feu de l’action pour éviter que l’attention se focalise sur elle (la bague, ndlr) », a déclaré jeudi 20 novembre à l’AFP Debora Altman, rédactrice en chef du service photo du Figaro, ajoutant: « on trouvait qu’on ne voyait que ça (…) alors qu’on parlait vraiment de la grognes des juges ».

D’après le site internet de L’Express qui publie les deux photos, la bague « disparue » est signée Chaumet (en or gris pavé de diamants) et d’une valeur de 15 600 euros.

Cette photo, prise le 17 juin dernier à l’Assemblée par un photographe du Figaro, était destinée à illustrer une interview exclusive de la ministre de la Justice. »Mme Dati n’a absolument rien à voir là dedans, c’est quelque chose qui ne reproduira plus », a ajouté la rédactrice en chef du quotidien. (AFP)

Ca calme bien… Alors, je ne sais pas ce qui est le pire :

1°) le journaleux qui maquille la photo

2°) le fait que Dati ait une bague à 15 600 €

3°) le fait qu’elle soit assez stupide pour la mettre à l’Assemblée, le jour où un journaliste vient la prendre en photo… Il faut avoir un sacré bon sens politique (à défaut de classe naturelle voire de simple morale), bravo…

Ah, oui, finissons par cette phrase mythique de son mentor en visite dans une usine le jour du débat Bayrou / Royal le 28/04/2007 :
« C’est symbolique, Il y en a qui sont dans un grand hôtel à bavasser ensemble, moi, mon hôtel, c’est ici, sur le terrain« . […]

yacht CDG 17 : journalistes... complices ?
yacht+2 CDG 17 : journalistes... complices ?
« Eux, là-haut, ils ne peuvent pas comprendre ». […] J’ai voulu mettre toute ma campagne présidentielle sous le signe du respect du travail et des travailleurs et sous le signe du maintien des usines » […] « Les usines, c’est beau, c’est utile, il y a du bruit, ça vit, il n’y a personne qui se sent seul (…) Je ne fais pas les 3/8 mais le travail, je connais« 

C’est sûr, on comprend, mais avec des bagues (et des montres bling bling!) à 15 600 €…

P.S. un ami qui me veut du bien (enfin, mon seul lecteur, A…) m’a fait remarquer que ce blog pouvait dans certains cas, être à la limite pris comme étant légèrement anti sarkoziste. Si cela n’est pas tout à fait faux, précisons aussi qu’il serait aussi potentiellement anti PS, si ce parti n’était pas malencontreusement en état de mort cérébrale depuis le 28 mars 1993, suite à un accident électoral – et produisait donc encore des semblants d’idées. On le débranche quand d’ailleurs ?