Un excellent article d’Alternatives Économiques

Un salaire maximum pour les dirigeants des entreprises recevant une aide de l’Etat : cette mesure, annoncée par Barack Obama mercredi 4 février dans le cadre du plan de relance américain, a le mérite de relancer le débat sur les rémunérations des grands patrons. Car les trente dernières années ont été marquées par une fantastique explosion des rémunérations des PDG et des acteurs de la finance. Cette évolution, injustifiable économiquement et inacceptable moralement, a joué un rôle majeur dans la crise que nous traversons actuellement.

La grande divergence », c’est le titre du chapitre que Paul Krugman, le prix « Nobel » d’économie 2008, consacre dans son dernier ouvrage (1) au formidable creusement des inégalités intervenu outre-Atlantique depuis les années 70. Il caractérise ainsi la période actuelle par rapport aux périodes antérieures de fortes inégalités: « Si l’Américain à haut revenu vers 1905 était par essence un baron de l’industrie qui possédait des usines, son homologue cent ans plus tard est un cadre supérieur immensément récompensé de ses efforts par des primes et des stock-options. »

Le jackpot des stock-options

Les Etats-Unis ont beaucoup de défauts, mais ils présentent au moins un avantage: ils ont une tradition ancienne d’information statistique de qualité. Notamment en matière de revenus et donc de mesure des inégalités. C’est ce qui a permis à Carola Frydman, d’Harvard, et à Raven E. Saks, de la Réserve fédérale, de reconstituer l’évolution des rémunérations des dirigeants des plus grandes entreprises du pays depuis 1936 (2). Les résultats sont spectaculaires. Entre 1936 et 1939, la rémunération moyenne des 150 dirigeants les mieux payés des 50 plus grandes entreprises américaines représentait 82 fois le salaire moyen. Entre 1960 et 1969, ce ratio était tombé à 39, après ce que Paul Krugman appelle la « grande compression », intervenue à la suite notamment de la mise en place par le président Franklin D. Roosevelt, après la crise de 1929, de taux d’imposition très élevés sur les plus hauts revenus.

Mais, après l’élection de Ronald Reagan en 1980, ce ratio est remonté en flèche pour atteindre 187 durant la décennie 90 et culminer à 367 au début des années 2000! Cette envolée est liée en particulier au développement d’un mécanisme de rémunération qui n’existait quasiment pas avant les années 50, mais concerne aujourd’hui 90% des patrons américains: les stock-options. Celles-ci, qui ne représentaient encore que 11% des rémunérations des 150 plus gros patrons américains dans les années 60, en pesaient 48% au début des années 2000. Du coup, alors que la rémunération directe des patrons américains n’a été, en moyenne, multipliée « que » par 3,1 en dollars constants entre les années 60 et le début des années 2000, leur rémunération totale est, elle, devenue 8,5 fois plus élevée…

Les données historiques rassemblées par Carola Frydman et Raven E. Saks s’arrêtent en 2003, mais l’histoire a continué. Après un passage à vide consécutif aux affaires Worldcom, Enron, etc., la rémunération des managers américains était repartie vers les sommets jusqu’à ces derniers mois. En 2007, selon une analyse de l’Associated Press sur les 500 sociétés du S&P 500, le PDG américain moyen avait touché 10,5 millions de dollars (7,7 millions d’euros), soit 2,6% de plus qu’en 2006. L’équivalent de 344 années de salaire moyen américain et 866 années de Smic états-unien…

Ironie de l’histoire: le PDG américain le mieux payé en 2007 était John Tain, PDG de la banque d’investissement Merril Lynch, avec un revenu annuel de 83 millions de dollars, soit 61 millions d’euros, 3 970 années de Smic français… Cela, juste avant que sa banque, emportée par la faillite de Lehman Brothers, ne soit rachetée en septembre dernier par Bank of America. Preuve, s’il en est besoin, de la faible corrélation entre le niveau de la rémunération des PDG et la qualité de leur gestion…

Article à lire sur le site d’Alternatives Économiques dans son intégralité

Rémunération annuelle moyenne des 150 personnes les mieux payées des 50 plus importantes entreprises des Etats-Unis, en millions de dollars constants de 2000 et rapportée au salaire moyen

remuneration-150 Revenus des dirigeants : la grande divergence

Rémunération moyenne des membres des équipes dirigeantes du CAC 40, en euros

remuneration-cac Revenus des dirigeants : la grande divergence

Le grand écart

salaires Revenus des dirigeants : la grande divergence

Pour l’économiste Thomas Piketty, les très hautes rémunérations sont économiquement inefficaces et socialement injustes ; elles menacent la démocratie. Pour les faire reculer, il faut les imposer lourdement.

Source : extrait d’Alternatives Économiques de janvier 2009

piketty Il faut taxer fortement les très hauts revenusLes rémunérations observées en haut de la distribution des revenus ont effectivement atteint un niveau extravagant. C’est un gros problème, pour l’économie, pour la démocratie, et je pense malheureusement qu’on n’est pas près d’en venir à bout. […]

J’en suis venu à penser que la seule solution serait de revenir à des taux marginaux d’imposition quasi confiscatoires pour les très, très hauts revenus. Imposer des taux marginaux de 80 %, voire 90 %, sur les rémunérations annuelles de plusieurs millions d’euros me semble inévitable, incontournable. Cela prendra du temps, mais je pense qu’on finira par en arriver là. Comment en suis-je venu à ce point de vue qui pourrait sembler fruste ou simpliste ? […]

En constatant l’incroyable timidité des réactions publiques dans la situation présente : il nous faut injecter des dizaines, voire des centaines de milliards d’argent public dans les banques,alors que ces mêmes banques ont versé et continuent de verser des rémunérations colossales aux dirigeants l’origine de cette déconfiture…

Il est tout de même inouï que ce soit le même Henry Paulson, secrétaire au Trésor de l’administration Bush, qui soit chargé de gérer les dizaines de milliards d’argent des contribuables destinés à renflouer les banques américaines alors qu’il a retiré personnellement 400 millions de dollars durant les dix ans qu’il a passés à Goldman Sachs !

taux-imposition1-300x284 Il faut taxer fortement les très hauts revenusRappelons ici ce que fut la réaction publique après 1929, suite à l’accession de Franklin D. Roosevelt à la présidence des Etats-Unis. Quand Roosevelt est élu à la Maison Blanche, en 1932, le taux marginal est de 25 % ; les années 20 ont vu également une explosion des hautes rémunérations. En trois étapes, Roosevelt fait passer le taux marginal à 63 % en1932, 79 % en 1936, puis 91 % à partir de 1941, un niveau qui sera maintenu jusqu’en 1965, où il est ramené à 77 %. Et, quand Ronald Reagan est élu président, en 1980, le taux marginal d’imposition est encore de 70 %. C’est ainsi qu’entre 1932 et 1980, le taux marginal d’imposition applicable aux plus hauts revenus a été supérieur à 80 %, en moyenne. Pendant un demi-siècle. Et cela ne se passe pas en Union soviétique, mais aux Etats-Unis d’Amérique !

La leçon de cette histoire est que ce niveau d’imposition marginale n’a pas tué le capitalisme, ni mis au pas les droits de l’homme. Une leçon bonne à rappeler dans un moment où l’on nous explique, pour justifier le bouclier fiscal, que c’est un droit de l’homme fondamental de ne pas payer plus de 50 % d’impôts quand on perçoit des bonus de plusieurs millions d’euros. Eh bien, on a fait tout autrement durant un demi-siècle sans que le capitalisme et la démocratie s’en soient moins bien portés pour autant. Bien au contraire. […]

Je pense effectivement que le système rooseveltien avait beaucoup de vertus au vu du cycle que nous avons connu depuis le début des années 80. Il s’est traduit par une baisse massive de la progressivité de l’impôt aux Etats-Unis, puis dans les pays européens, suivie d’une explosion des hautes rémunérations et des inégalités salariales. Et il se conclut aujourd’hui en apothéose par cette crise majeure dont l’origine est clairement liée aux évolutions antérieures. Tout cela devrait nous faire réfléchir et je pense qu’on ne parviendra pas à mettre fin à cette logique sans modifier l’imposition. […]

L’enjeu n’est pas d’appliquer un taux d’imposition confiscatoire au premier cadre ou créateur d’entreprise dont les revenus sortent un peu de la moyenne. En 1932, le taux supérieur de Roosevelt s’appliquait aux revenus annuels supérieurs à 1 million de dollars de l’époque, soit 10 millions de dollars d’aujourd’hui ! A partir de 1941, le taux supérieur de 91 % s’est appliqué aux revenus supérieurs à 200 000 dollars de l’époque, soit 2 millions de dollars d’aujourd’hui, puis s’est stabilisé autour de ce niveau. Sans donner de seuil précis, l’idée est d’appliquer ces taux à des revenus véritablement très élevés et fixer ainsi une borne qui réduise drastiquement, à partir d’un certain niveau, l’incitation à se servir dans la caisse. […]

Le système est tel que quand vous vous engagez dans des opérations à haut risque et que ça marche, vous gagnez des millions,voire des dizaines de millions d’euros. Et quand ça ne marche pas, non seulement vous ne perdez rien, mais c’est l’entreprise qui paye, à travers la masse de ses salariés, ou pire, ce sont les contribuables qui sont mis à contribution. Pas besoin d’aller plus loin pour comprendre l’origine des comportements insensés observés dans la finance ces dernières années. […]

L’argument massue avancé par les défenseurs d’une faible fiscalité sur les très hautes rémunérations est qu’il faut récompenser les gens qui font vraiment fortune grâce à leur travail. Or, ces working rich sont-ils plus efficaces ? Aucune étude ne permet d’étayer cette idée. De nombreuses études montrent au contraire qu’au-delà d’un certain niveau, les rémunérations des dirigeants ne sont guère corrélées aux résultats de leur action. […]

Enfin, quitte à me répéter, on ne peut pas faire l’impasse sur la crise actuelle : c’est tout de même la preuve patente que ces rémunérations astronomiques ont suscité des choix qui nous contraignent d’injecter des centaines de milliards d’argent public pour sauver le capitalisme. C’est une démonstration grandeur nature du caractère inefficace des bonus en tout genre et du fait que cette explosion des hautes rémunérations relève tout bêtement d’une captation pure et simple de la richesse parle groupe dirigeant. […]

Ce sont les comités de rémunération, formés eux-mêmes d’autres dirigeants, qui fixent les rémunérations des dirigeants. Ils observent la moyenne des rémunérations dans les autres entreprises et si le dirigeant est plutôt bon – et il n’y a pas de raison qu’il ne le soit pas car cela signifierait que ceux qui l’ont recruté et qui l’évaluent ne le sont pas –, on lui accorde un revenu plutôt au-dessus de la moyenne, ce qui fait mécaniquement monter celle-ci pour le plus grand bénéfice de tous. Il n’y a donc plus de point de référence objectif, ni de force de rappel. […]

Tout cela aboutit à une situation totalement insupportable du point de vue de la justice sociale. Comment pouvez-vous oser expliquer aux gens qu’il faut introduire des franchises médicales afin de faire des économies de quelques euros sur les remboursements de Sécurité sociale et, dans le même temps, dire qu’il faut absolument laisser la moitié de leurs revenus aux personnes qui gagnent des dizaines de millions d’euros ? C’est évidemment totalement impossible à comprendre, et même si cela ne concerne qu’un nombre relativement réduit de personnes, c’est clairement une menace pour le fonctionnement de la démocratie.

Woerth prévoit un déficit de 79,3 milliards d’euros en 2009

Jusqu’ici, le déficit était chiffré à 57,6 milliards d’euros [NDR Non, mais ça ne fait que 37 % en plus !!!]. Mais le ministre du Budget y a ajouté les mesures du plan de relance. Un déficit à la mesure de « l’aggravation de la crise », justifie-t-il.

woerth CDG 36 : Mais on soccupe quand du déficit ??? Le déficit budgétaire sera de 79,3 milliards d’euros en 2009, a annoncé le ministre du Budget, Eric Woerth, mercredi 17 décembre à l’Assemblée. Un déficit révisé, sans précédent, qui inclut les mesures de relance devant être votées en janvier, a-t-il précisé. Jusqu’ici, le déficit était chiffré à 57,6 milliards d’euros.

Les dépenses du plan de relance

« L’aggravation de la crise et les mesures que nous avons prises pour y remédier nous ont donc fait passer d’un déficit budgétaire de 52,1 mds au moment du dépôt du projet de loi de finances (fin septembre), à un déficit de 57,6 mds après la prise en compte des nouvelles prévisions macroéconomiques », a rappelé Eric Woerth à l’Assemblée.

« Vous le savez, je présenterai en Conseil des ministres vendredi avec Patrick Devedjian (le ministre de la Relance) un collectif 2009, afin de traduire le volet dépenses du plan de relance », a-t-il dit aux députés.

Les derniers amendements au projet de budget, votés mercredi, ont pris en compte le coût, pour 9,2 milliards, du volet fiscal de la relance (doublement du prêt à taux zéro, remboursement accéléré des impôts aux entreprises…). Le volet dépenses, pour 9,3 milliards, figurera dans un collectif budgétaire pour 2009, présenté vendredi en Conseil des ministres et en janvier au Parlement.

« Ces chiffres, nous les assumons. Les dépenses serviront à financer de l’investissement qui soutiendra la croissance », a poursuivi Eric Woerth.

« Il faudra enfin tenir compte des 3 mds d’euros nécessaires au financement du Fonds stratégique d’investissement. En l’incluant, le déficit budgétaire se monterait alors à 79,3 mds d’euros », a-t-il conclu.

M. Fillon avait estimé, lors des annonces faites par M. Sarkozy, que le déficit se creuserait à 3,9 % du PIB en 2009, mais serait ensuite ramené à 2,9 % en 2010, 1,9 % en 2011 et 0,9 % en 2012, avec un retour prévu à l’équilibre en 2014.

La prévision de croissance, à l’origine de 1 % à 1,5 % en 2009, a également été revue à la baisse. La ministre de l’économie, Christine Lagarde, ne l’estime plus que dans une fourchette de 0,2 % à 0,5 %.

De son côté, le président socialiste de la commission des Finances de l’Assemblée, Didier Migaud, a estimé que le déficit budgétaire total (Etat, Sécu, collectivités locales) va frôler les « 100 milliards d’euros ». Soit près de 5% du PIB.

NOUVELOBS.COM | 18.12.2008

Ces chiffres sont juste… hallucinants !

Ils sont à replacer dans le contexte suivant

deficit CDG 36 : Mais on soccupe quand du déficit ???

dette CDG 36 : Mais on soccupe quand du déficit ???Merci à Lady Marwina.

Les perspectives sont donc sombres:

deficit CDG 36 : Mais on soccupe quand du déficit ???Source Lesechos.fr

manipulation CDG 36 : Mais on soccupe quand du déficit ???
On notera au passage l’objectivité du journaliste par le choix des échelles différentes pour la France (-3,9 %) et l’Allemagne (-0,2 %, soit juste 20 fois moins…). C’est bizarre, je pensais qu’ils avaient le même euro et achetaient le même pétrole les allemands…

deficit+2 CDG 36 : Mais on soccupe quand du déficit ???Et le mot de la fin pour Delize, qui a si bien résumé la situation :