allais Maurice Allais : Contre les tabous indiscutésUn des derniers journaux libres en France, Marianne, vient de publier (n°659, 5 décembre 2009) un excellent article de Maurice Allais – seul prix Nobel d’Economie français (1988), 98 ans…

Pour mémoire, sorti de Polytechnique ne 1933, il s’est précipité aux États-Unis pour y observer les ravages de la crise de 1929. Il est donc plutôt qualifié pour nous donner son point de vue…

Précision importante : le courage et la qualité du travail des journalistes de Marianne (et le respect du droit d’auteur – mais cet article se doit d’être très largement diffusé au vu de son importance, et du blackout des médias…), chaque semaine, mérite que nous les soutenions en nous abonnant. Si nous n’aidons pas les seuls journalistes qui nous défendent encore, nous ne pourrons nous plaindre si nous nous retrouvions seuls un jour face aux « barbares prétendument libéraux ».

Vous pouvez télécharger ici  l’appel de Maurice Allais : Maurice Allais – Contre les tabous indiscutés.pdf

Le cri d’alarme du seul prix Nobel d’économie français :

CONTRE LES TABOUS INDISCUTÉS

Lettre aux Français par Maurice Allais – Marianne n°659, 5 décembre 2009.

Le point de vue que j’exprime est celui d’un théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit, car leur opposition m’apparaît fausse, artificielle. L’idéal socialiste consiste à s’intéresser à l’équité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de l’efficacité de la production de cette même richesse. Ils constituent à mes yeux deux aspects complémentaires d’une même doctrine. Et c’est précisément à ce titre de libéral que je m’autorise à critiquer les positions répétées des grandes instances internationales en faveur d’un libre-échangisme appliqué aveuglément.

Le fondement de la crise : l’organisation du commerce mondial

La récente réunion du G20 a de nouveau proclamé sa dénonciation du « protectionnisme » , dénonciation absurde à chaque fois qu’elle se voit exprimée sans nuance, comme cela vient d’être le cas. Nous sommes confrontés à ce que j’ai par le passé nommé « des tabous indiscutés dont les effets pervers se sont multipliés et renforcés au cours des années » (1). Car tout libéraliser, on vient de le vérifier, amène les pires désordres. Inversement, parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées se trouve le fondement réel de l’actuelle crise : l’organisation du commerce mondial, qu’il faut réformer profondément, et prioritairement à l’autre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire.

Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur ignorance de l’économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnismes : il en existe certains de néfastes, tandis que d’autres sont entièrement justifiés. Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n’est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire. C’est en particulier le cas à propos de la Chine, avec laquelle il est fou d’avoir supprimé les protections douanières aux frontières. Mais c’est aussi vrai avec des pays plus proches, y compris au sein même de l’Europe. Il suffit au lecteur de s’interroger sur la manière éventuelle de lutter contre des coûts de fabrication cinq ou dix fois moindres – si ce n’est des écarts plus importants encore – pour constater que la concurrence n’est pas viable dans la grande majorité des cas. Particulièrement face à des concurrents indiens ou surtout chinois qui, outre leur très faible prix de main-d’œuvre, sont extrêmement compétents et entreprenants.

Il faut délocaliser Pascal Lamy !

Mon analyse étant que le chômage actuel est dû à cette libéralisation totale du commerce, la voie prise par le G20 m’apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d’aggravation de la situation sociale. À ce titre, elle constitue une sottise majeure, à partir d’un contresens incroyable. Tout comme le fait d’attribuer la crise de 1929 à des causes protectionnistes constitue un contresens historique. Sa véritable origine se trouvait déjà dans le développement inconsidéré du crédit durant les années qui l’ont précédée. Au contraire, les mesures protectionnistes qui ont été prises, mais après l’arrivée de la crise, ont certainement pu contribuer à mieux la contrôler. Comme je l’ai précédemment indiqué, nous faisons face à une ignorance criminelle. Que le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ait déclaré : « Aujourd’hui, les leaders du G20 ont clairement indiqué ce qu’ils attendent du cycle de Doha : une conclusion en 2010 » et qu’il ait demandé une accélération de ce processus de libéralisation m’apparaît une méprise monumentale, je la qualifierais même de monstrueuse. Les échanges, contrairement à ce que pense Pascal Lamy, ne doivent pas être considérés comme un objectif en soi, ils ne sont qu’un moyen. Cet homme, qui était en poste à Bruxelles auparavant, commissaire européen au Commerce, ne comprend rien, rien, hélas ! Face à de tels entêtements suicidaires, ma proposition est la suivante : il faut de toute urgence délocaliser Pascal Lamy, un des facteurs majeurs de chômage !

Plus concrètement, les règles à dégager sont d’une simplicité folle : du chômage résulte des délocalisations, elles-mêmes dues aux trop grandes différences de salaires… À partir de ce constat, ce qu’il faut entreprendre en devient tellement évident ! Il est indispensable de rétablir une légitime protection. Depuis plus de dix ans, j’ai proposé de recréer des ensembles régionaux plus homogènes, unissant plusieurs pays lorsque ceux-ci présentent de mêmes conditions de revenus, et de mêmes conditions sociales. Chacune de ces « organisations régionales » serait autorisée à se protéger de manière raisonnable contre les écarts de coûts de production assurant des avantages indus a certains pays concurrents, tout en maintenant simultanément en interne, au sein de sa zone, les conditions d’une saine et réelle concurrence entre ses membres associés.

Un protectionnisme raisonné et raisonnable

Ma position et le système que je préconise ne constitueraient pas une atteinte aux pays en développement. Actuellement, les grandes entreprises les utilisent pour leurs bas coûts, mais elles partiraient si les salaires y augmentaient trop. Ces pays ont intérêt à adopter mon principe et à s’unir à leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour ensemble un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas. Cela pourrait concerner par exemple plusieurs pays de l’est de l’Union européenne, qui ont été intégrés sans réflexion ni délais préalables suffisants, mais aussi ceux d’Afrique ou d’Amérique latine.

L’absence d’une telle protection apportera la destruction de toute l’activité de chaque pays ayant des revenus plus élevés, c’est-à-dire de toutes les industries de l’Europe de l’Ouest et celles des pays développés. Car il est évident qu’avec le point de vue doctrinaire du G20, toute l’industrie française finira par partir à l’extérieur. Il m’apparaît scandaleux que des entreprises ferment des sites rentables en France ou licencient, tandis qu’elles en ouvrent dans les zones à moindres coûts, comme cela a été le cas dans le secteur des pneumatiques pour automobiles, avec les annonces faites depuis le printemps par Continental et par Michelin. Si aucune limite n’est posée, ce qui va arriver peut d’ores et déjà être annoncé aux Français : une augmentation de la destruction d’emplois, une croissance dramatique du chômage non seulement dans l’industrie, mais tout autant dans l’agriculture et les services.

De ce point de vue, il est vrai que je ne fais pas partie des économistes qui emploient le mot « bulle ». Qu’il y ait des mouvements qui se généralisent, j’en suis d’accord, mais ce terme de « bulle » me semble inapproprié pour décrire le chômage qui résulte des délocalisations. En effet, sa progression revêt un caractère permanent et régulier, depuis maintenant plus de trente ans. L’essentiel du chômage que nous subissons —tout au moins du chômage tel qu’il s’est présenté jusqu’en 2008 — résulte précisément de cette libération inconsidérée du commerce à l’échelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie. Ce qui se produit est donc autre chose qu’une bulle, mais un phénomène de fond, tout comme l’est la libéralisation des échanges, et la position de Pascal Lamy constitue bien une position sur le fond.

Crise et mondialisation sont liées

Les grands dirigeants mondiaux préfèrent, quant à eux, tout ramener à la monnaie, or elle ne représente qu’une partie des causes du problème. Crise et mondialisation : les deux sont liées. Régler seulement le problème monétaire ne suffirait pas, ne réglerait pas le point essentiel qu’est la libéralisation nocive des échanges internationaux, Le gouvernement attribue les conséquences sociales des délocalisations à des causes monétaires, c’est une erreur folle.

Pour ma part, j’ai combattu les délocalisations dans mes dernières publications (2). On connaît donc un peu mon message. Alors que les fondateurs du marché commun européen à six avaient prévu des délais de plusieurs années avant de libéraliser les échanges avec les nouveaux membres accueillis en 1986, nous avons ensuite, ouvert l’Europe sans aucune précaution et sans laisser de protection extérieure face à la concurrence de pays dotés de coûts salariaux si faibles que s’en défendre devenait illusoire. Certains de nos dirigeants, après cela, viennent s’étonner des conséquences !

Si le lecteur voulait bien reprendre mes analyses du chômage, telles que je les ai publiées dans les deux dernières décennies, il constaterait que les événements que nous vivons y ont été non seulement annoncés mais décrits en détail. Pourtant, ils n’ont bénéficié que d’un écho de plus en plus limité dans la grande presse. Ce silence conduit à s’interroger.

Un prix Nobel… téléspectateur

Les commentateurs économiques que je vois s’exprimer régulièrement à la télévision pour analyser les causes de l’actuelle crise sont fréquemment les mêmes qui y venaient auparavant pour analyser la bonne conjoncture avec une parfaite sérénité. Ils n’avaient pas annoncé l’arrivée de la crise, et ils ne proposent pour la plupart d’entre eux rien de sérieux pour en sortir. Mais on les invite encore. Pour ma part, je n’étais pas convié sur les plateaux de télévision quand j’annonçais, et j’écrivais, il y a plus de dix ans, qu’une crise majeure accompagnée d’un chômage incontrôlé allait bientôt se produire, je fais partie de ceux qui n’ont pas été admis à expliquer aux Français ce que sont les origines réelles de la crise alors qu’ils ont été dépossédés de tout pouvoir réel sur leur propre monnaie, au profit des banquiers. Par le passé, j’ai fait transmettre à certaines émissions économiques auxquelles j’assistais en téléspectateur le message que j’étais disposé à venir parler de ce que sont progressivement devenues les banques actuelles, le rôle véritablement dangereux des traders, et pourquoi certaines vérités ne sont pas dites à leur sujet. Aucune réponse, même négative, n’est venue d’aucune chaîne de télévision et ce durant des années.

Cette attitude répétée soulève un problème concernant les grands médias en France : certains experts y sont autorisés et d’autres, interdits. Bien que je sois un expert internationalement reconnu sur les crises économiques, notamment celles de 1929 ou de 1987, ma situation présente peut donc se résumer de la manière suivante : je suis un téléspectateur. Un prix Nobel… téléspectateur, Je me retrouve face à ce qu’affirment les spécialistes régulièrement invités, quant à eux, sur les plateaux de télévision, tels que certains universitaires ou des analystes financiers qui garantissent bien comprendre ce qui se passe et savoir ce qu’il faut faire. Alors qu’en réalité ils ne comprennent rien. Leur situation rejoint celle que j’avais constatée lorsque je m’étais rendu en 1933 aux États-Unis, avec l’objectif d’étudier la crise qui y sévissait, son chômage et ses sans-abri : il y régnait une incompréhension intellectuelle totale. Aujourd’hui également, ces experts se trompent dans leurs explications. Certains se trompent doublement en ignorant leur ignorance, mais d’autres, qui la connaissent et pourtant la dissimulent, trompent ainsi les Français.

Cette ignorance et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de l’intelligence, par le fait d’intérêts particuliers souvent liés à l’argent. Des intérêts qui souhaitent que l’ordre économique actuel, qui fonctionne à leur avantage, perdure tel qu’il est. Parmi eux se trouvent en particulier les multinationales qui sont les principales bénéficiaires, avec les milieux boursiers et bancaires, d’un mécanisme économique qui les enrichit, tandis qu’il appauvrit la majorité de la population française mais aussi mondiale.

Question clé : quelle est la liberté véritable des grands médias ? Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant qu’aux sphères de la politique.

Deuxième question : qui détient de la sorte le pouvoir de décider qu’un expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ?

Dernière question : pourquoi les causes de la crise telles qu’elles sont présentées aux Français par ces personnalités invitées sont-elles souvent le signe d’une profonde incompréhension de la réalité économique ? S’agit-il seulement de leur part d’ignorance ? C’est possible pour un certain nombre d’entre eux, mais pas pour tous. Ceux qui détiennent ce pouvoir de décision nous laissent le choix entre écouter des ignorants ou des trompeurs.

Maurice Allais.

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(1) L’Europe en crise. Que faire ?, éditions Clément Juglar. Paris, 2005.

(2) Notamment La crise mondiale aujourd’hui, éditions Clément Juglar, 1999, et la Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance : l’évidence empirique, éditions Clément Juglar, 1999.

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Le Prix Nobel iconoclaste et bâillonné

La « Lettre aux Français » que le seul et unique prix Nobel d’économie français a rédigée pour Marianne aura-t-elle plus d’écho que ses précédentes interventions ? Il annonce que le chômage va continuer à croître en Europe, aux États-Unis et dans le monde développé. Il dénonce la myopie de la plupart des responsables économiques et politiques sur la crise financière et bancaire qui n’est, selon lui, que le symptôme spectaculaire d’une crise économique plus profonde : la déréglementation de la concurrence sur le marché mondial de la main-d’œuvre. Depuis deux décennies, cet économiste libéral n’a cessé d’alerter les décideurs, et la grande crise, il l’avait clairement annoncée il y a plus de dix ans.

Éternel casse-pieds

Mais qui connaît Maurice Allais, à part ceux qui ont tout fait pour le faire taire ? On savait que la pensée unique n’avait jamais été aussi hégémonique qu’en économie, la gauche elle-même ayant fini par céder à la vulgate néolibérale. On savait le sort qu’elle réserve à ceux qui ne pensent pas en troupeau. Mais, avec le cas Allais, on mesure la capacité d’étouffement d’une élite habitée par cette idéologie, au point d’ostraciser un prix Nobel devenu maudit parce qu’il a toujours été plus soucieux des faits que des cases où il faut savoir se blottir.

« La réalité que l’on peut constater a toujours primé pour moi. Mon existence a été dominée par le désir de comprendre ce qui se passe, en économie comme en physique ». Car Maurice Allais est un physicien venu à l’économie à la vue des effets inouïs de la crise de 1929. Dès sa sortie de Polytechnique, en 1933, il part aux États-Unis. « C’était la misère sociale, mais aussi intellectuelle : personne ne comprenait ce qui était arrivé. » Misère à laquelle est sensible le jeune Allais, qui avait réussi à en sortir grâce à une institutrice qui le poussa aux études : fils d’une vendeuse veuve de guerre, il a, toute sa jeunesse, installé chaque soir un lit pliant pour dormir dans un couloir. Ce voyage américain le décide à se consacrer à l’économie, sans jamais abandonner une carrière parallèle de physicien reconnu pour ses travaux sur la gravitation. Il devient le chef de file de la recherche française en économétrie, spécialiste de l’analyse des marchés, de la dynamique monétaire et du risque financier. Il rédige, pendant la guerre, une théorie de l’économie pure qu’il ne publiera que quarante ans plus lard et qui lui vaudra le prix Nobel d’économie en 1988. Mais les journalistes japonais sont plus nombreux que leurs homologues français à la remise du prix : il est déjà considéré comme un vieux libéral ringardisé par la mode néolibérale.

Car, s’il croit à l’efficacité du marché, c’est à condition de le « corriger par une redistribution sociale des revenus illégitimes ». Il a refusé de faire partie du club des libéraux fondé par Friedrich von Hayek et Milton Friedman : ils accordaient, selon lui, trop d’importance au droit de propriété… « Toute ma vie d’économiste, j’ai vérifié la justesse de Lacordaire : entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la règle qui libère », précise Maurice Allais, dont Raymond Aron avait bien résumé la position : « Convaincre des socialistes que le vrai libéral ne désire pas moins qu’eux la justice sociale, et des libéraux que l’efficacité de l’économie de marché ne suffit plus à garantir une répartition acceptable des revenus. » Il ne convaincra ni les uns ni les autres, se disant « libéral et socialiste ».

Éternel casse-pieds inclassable. Il aura démontré la faillite économique soviétique en décryptant le trucage de ses statistiques. Favorable à l’indépendance de l’Algérie, il se mobilise en faveur des harkis au point de risquer l’internement administratif. Privé de la chaire d’économie de Polytechnique car trop dirigiste, « je n’ai jamais été invité à l’ENA, j’ai affronté des haines incroyables ! » Après son Nobel, il continue en dénonçant « la chienlit laisser-fairiste » du néolibéralisme triomphant. Seul moyen d’expression : ses chroniques touffues publiées dans le Figaro, où le protège Alain Peyrefitte. À la mort de ce dernier, en 1999, il est congédié comme un malpropre.

Il vient de publier une tribune alarmiste dénonçant une finance de « casino» : « L’économie mondiale tout entière repose aujourd’hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile, jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s’était constatée. Jamais, sans doute, il est devenu plus difficile d’y faire face, jamais, sans doute, une telle instabilité potentielle n’était apparue avec une telle menace d’un effondrement général. » Propos développés l’année suivante dans un petit ouvrage très lisible* qui annonce l’effondrement financier dix ans à l’avance. Ses recommandations en faveur d’un protectionnisme européen, reprises par Chevènement et Le Pen, lui valurent d’être assimilé au diable par les gazettes bien-pensantes. En 2005, lors de la campagne sur le référendum européen, le prix Nobel veut publier une tribune expliquant comment Bruxelles, reniant le marché commun en abandonnant la préférence communautaire, a brisé sa croissance économique et détruit ses emplois, livrant l’Europe au dépeçage industriel : elle est refusée partout, seule l’Humanité accepte de la publier…

Aujourd’hui, à 98 ans, le vieux savant pensait que sa clairvoyance serait au moins reconnue. Non, silence total, à la notable exception du bel hommage que lui a rendu Pierre-Antoine Delhommais dans le Monde. Les autres continuent de tourner en rond, enfermés dans leur « cercle de la raison » •

Éric Conan

* La Crise mondiale aujourd’hui, éditions Clément Juglar, 1999.

Source : Marianne, n°659, décembre 2009.

Olivier Brumaire publie sur son blog www.reformons-le-capitalisme.fr un livre sur la crise économique, qui fait le lien avec la crise écologique qui commence…

A télécharger gratuitement…

Bonne lecture

à propos du projet de surtaxe bancaire de 10 % des bénéfices (dont le principe est bon, mais pas le fonctionnement, les banques ont tout de suite dit qu’elles répércuteraient aux clients…)

La ministre s’oppose à un amendement voté par la commission des Finances à l’Assemblée nationale qui relève de 10% l’imposition des bénéfices des banques. « Je ne me suis pas battue avec vigueur depuis deux ans et demi pour développer l’attractivité de la place financière de Paris et pour développer l’encadrement des bonus pour tout gâcher en un instant sans argument sérieux« , répond-elle.

« Il n’est pas question de prendre une mesure à caractère national qui plomberait le système bancaire français, qui s’est bien comporté pendant la crise« , poursuit Mme Lagarde.

http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/societe/20091019.FAP8894/lagarde_veut_demander_aux_banques_dassumer_les_frais_de.html

Et M. Copé

« Nous sommes en période de reprise, nous n’allons pas taxer les banques au moment où elles vont mieux ».

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/economie/politique_eco/20091025.OBS5763/lump_tente_de_sortir_du_cafouillage_sur_la_taxation_des.html

On les taxera quand elles iront mal alors ?

La Fédération Bancaire Française  dénonce les projets d’alourdissement de la fiscalité qui pénaliserait le secteur financier, clé du financement de l’économie et l’un des rares secteurs qui continue à recruter. Elle s’élève contre le projet de taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés voté par la Commission des finances de l’Assemblée nationale.

Si cette disposition était adoptée, elle réduirait la compétitivité des banques françaises et de la Place financière de Paris, affaiblissant leur capacité à investir et à financer les entreprises et les particuliers, au moment où ils en ont le plus besoin.

 
Nicolas Sarkozy, interviewé par Le Figaro, ne s’est pas prononcé, mais a salué l’action « exemplaire » des banques, en ce qui concerne les paradis fiscaux et les bonus. L’aide que l’Etat a fourni aux banques lui a été « profitable », et la « polémique sur l’argent prétendu donné aux banques » est « dépassée », a-t-il dit.

« Vous avez aimé les Experts – Las Vegas, Les Experts – Miami, Les Experts – Manhattan, Les Experts font du ski ? Vous aimerez notre dernière production : Les Experts – Paris  »

Définition « d’expert » sur larousse.fr :

expert, experte

adjectif

(latin expertus, qui a éprouvé)

  • Qui connaît très bien quelque chose par la pratique : Je ne suis pas expert en mécanique.

Passer à la télé » ne fait pas d’un économiste un expert…

Un expert nécessite qu’il ait démontré sa compétence, par exemple par une analyse brillante d’une situation, et donc une prévision juste.

Je souligne d’ailleurs qu’une des plus belles escroqueries de ce début de siècle consiste à avoir pu faire passer croire que l’économie n’était pas une science humaine mais une science mathématique…

Je ne sais donc pas si vous faisiez allusion à :

1°) Elie Cohen – L’hebdo des socialistes – 12 septembre 2007 :

Les socialistes étaient internationalistes parce qu’ils avaient appris la leçon des guerres et parce qu’ils avaient une conscience aiguë des solidarités entre travailleurs par-delà les frontières. Ils sont devenus altermondialistes par peur d’une mondialisation qu’ils ne comprenaient pas et dans laquelle ils ne voyaient que les manifestations de multinationales assoiffées de profits, les dérives d’une finance débridée et les inéquités d’une régulation au service des puissants. Bref, la mondialisation, c’était la misère au Sud, le chômage et les inégalités au Nord.

2°) David Thesmar et Augustin Landier (Prix 2007 du Cercle des économistes) – été 2007 :

« Disons-le tout net : [la correction] sera limitée et surtout sans effet sur l’économie réelle. […] Le danger d’une explosion financière, et donc le besoin de régulation, n’est peut-être pas si grand qu’on le pense. »

3°) Nicolas Baverez – Marianne 4 Octobre 2008 :

« La mondialisation conserve des aspects positifs […] Le libéralisme est
le remède à la crise. »

4°) Jacques Attali - Rapport au Président de la République, janvier 2008 :

Décision 97 : « Harmoniser les réglementations financières et boursières avec celles applicables au Royaume-Uni pour ne pas handicaper les acteurs européens par rapport à leurs concurrents internationaux. » Décision 101 : « Multiplier les initiatives communes entre les enseignements supérieurs et les institutions financières dans le financement de chaires dédiées aux recherches sur la modélisation financière ». Décision 103 : « Modifier la composition des commissions et des collèges de régulateurs, pour que les champions de la finance puissent s’exprimer et influencer la position du haut comité de place. »

5°) (Le meilleur pour la fin) Patrick Artus (Directeur de la Recherche chez Natixis – la référence) – mars 2007 :

On a entendu récemment sur les marchés financiers des rumeurs extrêmement inquiétantes :

  • la liquidité (globale et sur les marchés) allait se restreindre ;
  • la profitabilité des entreprises allait se retourner à la baisse ;
  • la Chine allait connaître une crise de croissance qui ralentirait la croissance mondiale, inverserait à la baisse les prix des matières premières ;
  • la crise de la construction et des subprime mortgages aux USA entraînerait une récession et une crise bancaire aux USA.

Toutes ces annonces ont eu des effets importants sur les marchés d’actions, du crédit (ouverture des spreads high-yield), des changes (baisse du dollar, remontée du yen).

Heureusement elles sont toutes inexactes.

Avec des « experts » pareils, on est sauvé… Oserais-je même le « désexpérant » ?

Deux nouveaux articles de Paul Jorion :

Chaque jour, cet été, nous interrogeons un grand témoin de l’actualité sur sa vision de l’après-crise. Aujourd’hui, pour le sociologue et anthropologue Paul Jorion, la crise est loin d’être terminée et la sortie de crise très incertaine, faute de mesures efficaces et énergiques. Le pouvoir politique a, selon lui, abdiqué face au monde de la finance.

Comment voyez-vous le monde de l’après-crise ?

La crise est loin d’être terminée, elle a à peine commencé en France et je ne vois pas comment aujourd’hui nous en sortir. Malgré le climat d’euphorie qui règne actuellement, la sortie de crise me paraît d’autant plus incertaine que les mesures prises par les États pour réformer la finance et relancer l’économie sont tout à fait inappropriées. Aux États-Unis, l’immense vague d’espérance suscitée par l’élection de Barack Obama s’est vite brisée sur les puissants lobbies de Wall Street. Il manque toujours quelques voix au Congrès pour adopter des textes encadrant mieux l’activité des banques. Ce n’est pas surprenant : le Parti démocrate a toujours eu de nombreux soutiens dans le monde de la finance alors que le Parti républicain a traditionnellement l’appui des grands industriels, notamment du complexe militaro-industriel.

Aucune leçon ne pourra donc être tirée de la crise ?

J’ai plutôt le sentiment que l’on applique des rustines pour tenter de remettre l’ancien système sur les rails. Il existe aux États-Unis un grand écart entre le discours et la réalité. C’est également le cas en Europe. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont eu le courage de dire que la crise était plus grave que l’on imagine. Mais je doute qu’ils aient les moyens de mener des actions efficaces, surtout dans une Europe aussi désunie. Le politique a totalement abdiqué. C’est le principal enseignement de la crise et la grande différence par rapport à la crise de 1929, où l’État a su imposer des réformes radicales, comme aux États-Unis, avec la stricte séparation des activités de banque d’investissement et de banque commerciale. Rien de tel aujourd’hui : les politiques sont toujours convaincus des vertus autorégulatrices des marchés et ont délégué leur pouvoir aux banques centrales, alors même qu’elles sont sous influence de l’industrie financière. Pire, les politiques ont fait pression pour que les règles comptables soient modifiées, de telle sorte que personne n’est en mesure aujourd’hui de connaître exactement l’étendue réelle des pertes. C’est même renier l’un des principes du capitalisme, la transparence de l’information.

Selon vous, une meilleure régulation de la finance aurait-elle permis d’éviter la crise ?

Sans aucun doute. L’État de Caroline du Nord a, par exemple, très vite réglementé les crédits subprimes et le maintien du Glass-Steagall Act aurait empêché que la crise des subprimes ne tarisse l’ensemble des crédits à l’économie. Aujourd’hui, il faudrait changer de paradigme, comme dans les années 30, et cesser de se focaliser sur la liquidité des marchés. La priorité devrait être désormais donnée à la solvabilité des entreprises et des ménages. Il est tout à fait illusoire de croire que les dettes privées pourront être un jour remboursées. Par conséquent, il ne sert à rien de rééchelonner : il faut remettre les compteurs à zéro. Ce qui suppose bien évidemment la nationalisation du secteur bancaire et la disparition de nombreuses banques. Autre priorité : rééquilibrer la répartition entre profits et salaires de manière à ce que les ménages ne soient plus contraints de vivre perpétuellement à crédit. C’est tout le système d’endettement aux États-Unis, organisé autour de l’immobilier, qu’il faut par conséquent remette en cause. Enfin, il faut prévenir toute nouvelle dynamique de bulle financière. Pour cela, il convient enfin de prendre en compte les méfaits de la spéculation qui prélève sur l’économie une dîme injustifiée. Des décisions simples peuvent être prises, comme interdire l’accès des marchés à terme aux opérateurs n’ayant pas le statut de négociant. Mais les mesures les plus efficaces sont souvent les plus difficiles à prendre du point de vue politique. On se contente alors de « verdir » l’économie pour préserver l’ancien monde. Cela n’est évidemment pas à la hauteur du drame qui se joue actuellement.

Vous avez, dans l’un de vos livres, prédit la fin du capitalisme américain…

Oui, et on peut même mettre une date sur son acte de décès : le 18 mars 2009. La banque centrale américaine avait alors annoncé son intention de racheter des bons du Trésor américains sur des montants considérables. Autrement dit, les États-Unis ont décidé d’avaler leur propre dette, ce qui signe la fin du mythe du dollar sur lequel a prospéré le capitalisme made in Wall Street. Mais tout est fait pour dissimuler la portée de cette décision historique !

La relance de l’économie mondiale passe-t-elle par la Chine ?

Le match va effectivement se jouer entre une Chine qui monte et une Amérique sur le déclin. Mais permettez à l’anthropologue que je suis de rappeler que la croissance chinoise sera stoppée par les limites du monde ! L’homme a jusqu’ici prospéré grâce à une approche colonisatrice de son environnement. Aujourd’hui, nous détruisons massivement nos ressources, nous polluons comme jamais, nous créons des outils, comme l’informatique ou la monnaie, que nous ne maîtrisons plus. Notre ingéniosité et notre agressivité nous ont permis de survivre, elles risquent désormais de nous perdre. Le moment est venu pour la solidarité. Pour nous préserver de l’extinction.

Bio express : anthropologue français, auteur de « la crise du capitalisme américain » et de « l’implosion », Paul Jorion a travaillé au cœur du système du crédit immobilier américain et annoncé, dès 2006, la crise des subprimes. Cet observateur des États-Unis porte depuis un regard décalé et sans concessions sur la crise et l’économie. Prochain ouvrage : « L’argent, mode d’emploi » (Fayard)

Propos recueillis par Eric Benhamou – La Tribune – 26 aout 2009

et le second :

L’extraterritorialité morale de la finance n’a que trop duré !

Une banque réalise une opération spéculative, disons à la hausse du prix du pétrole. Elle gagne un milliard. Le trader qui l’a menée a droit à 10 % du total, soit 100 millions. Si vous lisez les journaux, vous aurez déjà compris que mon illustration n’est pas purement imaginaire !

Moralisons la finance : plafonnons le bonus des traders. Andrew Hall de Citigroup, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’aura plus droit qu’a un million de dollars. Examinons l’avant et l’après. Avant : 100 millions pour le trader, 900 millions pour la banque, coût pour la communauté en prix du carburant, 1 milliard. Après : 1 million pour le trader, 999 millions pour la banque, coût pour la communauté, 1 milliard. Question : a-t-on vraiment moralisé la finance ?

Vous m’avez compris : ce n’est pas en réduisant le bonus des traders que la finance sera moralisée. La morale – ou plutôt l’absence de morale – n’est pas dans le taux de la commission, elle est dans l’opération qui permet que la communauté soit plumée.

Seulement de cela, on ne parle pas. Pourquoi ? Parce que la seule communauté que connaissent les banques centrales, c’est la communauté des investisseurs. Les autres, c’est l’ennemi : les autres réclament des augmentations de salaires qui pénalisent les seuls qu’il s’agit de défendre. Quand les autres crient trop fort, les banques centrales font monter le taux d’intérêt qui ferme les usines, et au bout d’un moment, ils ont compris et eux aussi la ferment.

On dit : « la finance est amorale » et on entend comme au feu d’artifice des « Ah ! » et des « Oh ! » Ce n’est pas qu’elle est immorale comme chacun croit l’observer mais qu’elle est a-morale. Avec ça, tout a semble-t-il été dit, et tout le monde rentre chez soi content. Mais accepterions-nous qu’on nous dise à propos du politique, s’il apparaissait immoral, que ce n’est rien, qu’il est simplement a-moral ? Non ! Alors pourquoi tolérons-nous ce discours à propos de la finance ?

Parce qu’on nous dit : « C’est la liberté qui est en jeu ! » On nous dit : il faut choisir entre liberté et égalité, il faut choisir entre concurrence et solidarité. Et c’est là que nous nous laissons berner parce que nous répondons : « Ah ! ben oui, c’est vrai ça ! » Non ce n’est pas vrai, parce que ce à quoi ils pensent quand ils vous disent « liberté », c’est individualisme à tout crin, « Après moi le déluge ! », l’agressivité sans contrainte, et quand ils vous disent « concurrence », ils pensent à la loi du plus fort (eux en l’occurrence), « Malheur aux vaincus ! » et, une fois de plus, l’agressivité sans contrainte. Et cela, voyez-vous, ce n’est pas un choix, il ne s’agit pas de valeurs à instaurer : c’est l’animalité au cœur de l’homme, telle que la nature l’a créé. Ce n’est pas un choix : c’est le donné sur lequel notre espèce a bâti.

Le seul choix possible, c’est de faire un pas en-dehors de l’animalité, en domestiquant nos instincts. Et la nature ici n’est pas une excuse, parce que si elle nous a dit dans un premier temps : « C’est votre agressivité qui vous permettra de survivre », elle nous dit aujourd’hui dans un second temps : « Sur une planète dont vous découvrirez un jour les limites… ».

Nous sommes sortis de l’animalité brute pour ce qui touche au politique en exigeant que la politique soit morale. Nous n’y sommes pas arrivés parce que nous avons accepté au cœur de nos sociétés une finance amorale qui dévoie le politique en permanence en le soumettant au pouvoir de l’argent. Il s’agit maintenant de domestiquer la finance à son tour en la soumettant elle aussi à la règle morale. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que pour cela, on ne pourra pas se contenter de règlementer la manière dont elle fait les choses : il faudra aller voir aussi quelles sont précisément les choses qu’elle fait, et dire à propos de certaines – comme nous l’avons fait partout ailleurs dans nos sociétés : « Ceci n’est pas bien ! », le condamner et le faire disparaître.

L’extraterritorialité morale de la finance n’a que trop duré !

Paul Jorion – 28/08/2009

Lu sur Lefigaro.fr

Armelle Vincent, à Los Angeles
06/08/2009 | Mise à jour : 23:19 | Commentaires 39 | Ajouter à ma sélection

Arnold Schwarzenegger lors de la discussion sur le budget de l’État, à Sacramento, le 28 juillet dernier. Le gouverneur souhaite économiser 500 millions de dollars supplémentaires. Crédits photo : ASSOCIATED PRESS
Usant de son droit de veto, le gouverneur de l’État de Californie impose de nouvelles coupes drastiques dans le budget pour achever de combler un déficit de 24 milliards de dollars.

Quand Arnold Schwarzenegger annonce, hilare, un couteau de boucher à la main, de nouvelles coupes budgétaires, son humour passe mal. Des millions de familles modestes, de pauvres, de malades et de personnes âgées se demandent comment ils vont surmonter l’épreuve de l’absence de services indispensables à leur vie. Et des milliers d’employés de la fonction publique craignent d’aller grossir les rangs des 11,6 % de chômeurs que compte l’État de Californie.

Tara et Justin Metsker ont un fils de 14 ans, gravement handicapé. Christopher ne parle pas, est incapable de s’alimenter seul, ou de rester en position assise sans être attaché. Même si prendre soin de lui présente d’énormes contraintes, ses parents l’aiment et veulent le garder auprès d’eux. En dépit de la situation économique désastreuse que connaît la Californie, ils voulaient croire qu’ils ne seraient pas obligés d’envoyer leur enfant dans un centre, du moins jusqu’au prochain budget. C’était compter sans les coupes supplémentaires de 500 millions de dollars imposées par Arnold Schwarzenegger. Le gouverneur de Californie a usé de son droit de veto pour combler le déficit de 24 milliards de dollars restant après l’adoption du budget, le 21 juillet dernier.

«Privés d’aides vitales»

«Nous sommes complètement impuissants et abattus», avoue Tara. Jusqu’à présent, les aides sociales dont a toujours bénéficié la famille lui ont permis de faire face. Une infirmière, payée par l’État, se rend chaque jour au domicile des Metsker. À 10 heures, un ramassage scolaire vient chercher Chris pour le conduire dans une école spécialisée. Une allocation mensuelle permet à Tara de rester mère au foyer. «Nous ne savons pas encore à quelle sauce nous allons être mangés, dit-elle, mais il est possible que les nouvelles mesures nous privent d’aides sociales vitales». À l’âge de 6 mois, une méningite mal diagnostiquée par les médecins d’une base militaire, alors que son père était soldat, a réduit Chris à cet état végétatif. Pourtant, Tara a dû se battre bec et ongles pour obtenir ce qu’elle risque aujourd’hui de perdre.

Si l’action de Schwarzenegger se révèle légale – son droit de veto a été mis en doute par la présidente de l’Assemblée californienne, Karen Bass – seront supprimés 80 millions de dollars servant à financer les programmes d’aides aux enfants maltraités, 50 millions de dollars alloués au programme Healthy Families, qui fournit une couverture santé à des millions d’enfants déshérités, 50 millions de dollars attribués aux services d’aides aux enfants attardés mentaux, 16 millions de dollars aux programmes d’assistance aux victimes de violences domestiques et 6,3 millions de dollars de subventions aux services d’aides aux personnes âgées.

Retour sur le grand écran

Autres victimes des coupes, les 279 parcs californiens, avec 6,2 millions de dollars en moins. Une centaine d’entre eux risquent d’être fermés jusqu’à nouvel ordre, à moins de trouver de généreux sponsors. Tout cela à un moment où les Californiens désargentés s’y précipitent faute d’avoir les moyens de partir en vacances. Du nord au sud, des douzaines de bureaux de poste risquent de subir le même sort. Et à partir de septembre prochain, tous les tribunaux seront fermés le troisième mercredi de chaque mois, tandis que les juges devront prendre une journée mensuelle de congé sans solde.

Les 500 millions de dollars de coupes devraient au moins permettre à la Californie de payer ses fournisseurs. Depuis le 2 juillet dernier, ils sont près de 210 000 d’entre eux à n’avoir reçu, en guise de paiement pour leurs services, que des titres de reconnaissance de dettes sur papier. Pour certains d’entre eux, comme Nancy Baird, cela pourrait signifier une faillite prochaine.

À la tête d’une petite entreprise de broderie, cette femme de 58 ans vient de lancer une procédure judiciaire contre la Californie, qui lui doit 28 000 dollars pour une commande de tee-shirts destinés aux enfants d’une colonie de vacances subventionnée par l’État. «Sans cet argent, je ne peux pas continuer», explique Nancy, qui espère rallier d’autres fournisseurs à sa cause et déposer un recours collectif. «Jamais je n’aurais cru que l’État puisse se conduire comme ça», s’indigne-t-elle.

Arnold Schwarzenegger, lui, pense peut-être déjà à son retour sur le grand écran. Il devrait figurer dans le prochain film de James Cameron dont le tournage démarrera dans quatorze mois, quand s’achèvera, le 2 novembre 2010, son second mandat à la tête de l’État californien.