Lu sur le site de l’observatoire des inégalités

Les chercheurs Anwar Shaikh et Amr Ragab ont mis au point un nouvel instrument de mesure du bien-être, le revenu de la « vaste majorité ». Il permet, selon eux, de mesurer le bien-être à l’échelle internationale avec plus de précision que le Produit Intérieur Brut. Une analyse de Cédric Rio de l’Observatoire des inégalités.

Les chercheurs Anwar Shaikh et Amr Ragab ont mis au point un nouvel instrument de mesure du bien-être, the Vast Majority Income (VMI, « revenu de la vaste majorité »), dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) [1] . Cet instrument permet selon eux de mesurer le bien-être à l’échelle internationale avec plus de précision que les mesures proposées à travers le taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) des pays, ou encore le revenu par habitant. Il ouvrirait ainsi la possibilité d’une visibilité plus importante des inégalités de revenu à l’échelle internationale.

Ce nouveau mode de calcul présente l’avantage de réunir au sein d’un même critère les indices de revenus et d’inégalités. Jusqu’à présent, ces deux indices sont calculés séparément, par l’intermédiaire respectivement du taux de croissance et du coefficient de Gini [2]. Or, les chercheurs partent du constat selon lequel la mesure de la pauvreté proposée actuellement ne permet pas de comparer avec suffisamment de précision les inégalités de revenus à l’échelle internationale, dans la mesure où ces calculs sont effectués sur la base de moyennes. Une moyenne a un impact négatif sur la représentativité de la situation d’une grande partie de la population concernée. En effet, la prise en compte des revenus appartenant aux individus les plus riches d’un pays fausse la moyenne nationale des revenus par habitant, dans la mesure où les extrêmes déplacent les données concernant la majeure partie de la population de ce même pays.

Ainsi, le calcul du VMI consiste à écarter des mesures les revenus par habitant qui ne sont pas caractéristiques du pays concerné, en ne prenant en compte que les premiers 80% de la population de chaque pays pour déterminer un revenu par habitant plus représentatif que le revenu moyen calculé habituellement par rapport à l’ensemble des revenus constatés. Pour obtenir le VMIR (Vast Majority Income Ratio), ce revenu est ensuite rapporté au revenu moyen calculé d’après l’ensemble de l’échantillon. Ce nouvel indice est compris entre 0 et 1, 0 lorsque l’on observe une inégalité parfaite, et 1 lors d’une parfaite égalité.

Ainsi, les Pays-Bas et le Danemark sont en tête de la hiérarchie mondiale proposée par les chercheurs avec un VMIR respectivement de 0,83 et 0,82 (données 2000), tandis que le Chili et le Guatemala ferment la marche de l’échantillon avec 0,46 et 0,45 (toutes ces données sont à retrouver dans l’article de Anwar Shaikh and Amr Ragab, in An International Comparison of the Incomes of the Vast Majority, avril 2007.). La France possède un VMIR de 0,78. Le revenu représentatif par an et par habitant en France passe ainsi de 22 248$ à 17 242$. Tandis que le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont un VMIR respectif de 0,74 et 0,68. Au Royaume-Uni, le revenu représentatif passe de 22 454$ à 16 645$, et aux Etats-Unis, le revenu passe de 31 283$ à 21 309$. En terme d’inégalités, les Etats-Unis se classent au niveau des pays en développement, au même niveau que la Chine ou le Vietnam. En Inde, de 2 371$, le calcul du VMI permet d’obtenir un revenu représentatif par an et par habitant de 1 651$, avec un VMIR de 0,7.

Ce nouveau calcul ne transforme pas de façon radicale le rang des différents pays au sein du classement mondial. Mais à travers cet effort, les chercheurs ont la possibilité d’approcher avec plus d’exactitude les modes de vie et revenus réels des populations au sein de chaque Etat, et ainsi de proposer une échelle de mesure valable au niveau international. Il permet de ce fait de mieux déterminer les inégalités de revenus internationales, notamment en comparant ce nouveau moyen statistique aux modes de calcul en vigueur qui intègrent les valeurs extrêmes. Cela permet en effet de visualiser le biais provoqué par les inégalités de revenu au sein d’un même pays en terme de représentativité.

[1] voir Policy research brief n°7, The Vast Majority Income (VMI) : A New Measure of Global Inequality, mai 2008.

[2] Indicateur d’inégalité qui mesure l’écart entre l’état d’une répartition à un moment donné et une situation d’égalité parfaite

vmir-1 Le revenu de la vaste majorité

vmir-2 Le revenu de la vaste majorité

 vmir-3 Le revenu de la vaste majorité

Source : extrait de  Courrier International.com

En refusant de prendre ses congés de maternité, la ministre de la Justice a desservi la cause des femmes. Par peur, elle a refusé d’exercer un droit chèrement conquis par d’autres.

i93480dati Rachida Dati, mère Courage ? Tu parles !
Rachida Dati à son arrivée à l’Élysée, 5 jours après son accouchement
7 janvier 2009. AFP

On peut se demander si la ministre de la Justice française, Rachida Dati, s’était imaginé la volée de bois vert, presque exclusivement féminine, que lui a value le fait d’avoir crânement repris le travail en talons aiguille cinq jours à peine après avoir donné naissance par césarienne à son premier enfant, la petite Zohra. Ce qui lui a surtout été reproché, c’est que, en jouant la superwoman, en choisissant d’effectuer une démonstration de force quasi machiste, elle a porté atteinte au concept même de congé maternité pour toutes les femmes. Que, en voulant prouver que rien ne pouvait l’arrêter, elle n’a pas rendu service aux femmes, parce qu’elle donne l’impression que les autres sont faibles, qu’elles simulent, qu’elles sont des chiffes molles, elles qui insistent pour profiter entièrement de leur congé. Est-ce vraiment ce qu’on peut lui reprocher ? A mes yeux, Dati a incontestablement porté atteinte à la cause des femmes, mais pas à cause d’une quelconque démonstration de force. En réalité, en insistant simplement sur ce retour ridiculement prématuré, Dati a fait une démonstration magistrale de faiblesse féminine.

On peut aisément comprendre la colère des féministes vis-à-vis de la ministre, qui désormais, et pour longtemps, sera vue comme une sorte de Judas de la maternité. Un des aspects les plus crispants de toute cette affaire est qu’elle va apporter de l’eau au moulin sexiste de nos machos du monde du travail. En effet, elle conforte nos chefs d’entreprise dans leur conviction profonde que le congé de maternité n’est qu’un coûteux inconvénient, un luxe politiquement correct, pour ne pas dire du “foutage de gueule”. […]

En Occident, où les individus rassasiés et geignards que nous sommes peuvent se vautrer dans des lits douil­lets et prendre des calmants, je n’ai certainement pas été la seule à tiquer à la vue de Rachida Dati dans son tailleur me-revoilà et ses escarpins ne-m’enterrez-pas-trop-vite. Toutes les femmes ayant eu à subir une césarienne savent qu’elle a probablement encore les agrafes à sa cicatrice, qui doit encore saigner, et que sa montée de lait a dû commencer, autrement dit qu’elle a la poitrine à vif.

Est-il vraiment réducteur de se dire qu’elle serait mieux chez elle avec sa petite Zohra au lieu de lui adresser son amour maternel par fax ? […]

Le fait est que Dati a été trop prudente ou, si l’on veut être méchant, trop lâche pour prendre le congé auquel elle avait droit. Et, si certains peuvent arguer qu’il s’agit d’un choix personnel, il n’en reste pas moins décevant. Tout comme il est important de conquérir des droits, comme le congé de maternité, il est capital pour les femmes d’avoir le courage d’en user. Si elle faisait vraiment preuve de force de caractère, Rachida Dati aurait profité de chaque seconde du temps qui lui était accordé. Exactement comme l’aurait fait un homme.

Il est donc étrange de prétendre que Dati “se comporte comme un homme”. Si l’on excepte le comportement caricatural de quelques ma­chistes de la City, le sien n’a rien de masculin. Il suffit de voir les inégalités de salaires pour comprendre que les hommes connaissent généralement leurs droits et leur valeur. Ce n’est pas en jouant les superwomen que Rachida Dati fait du tort aux femmes, c’est, au contraire, en se comportant comme une mauviette. 

Barbara Ellen
The Observer

Je vous signale un excellent numéro de Courrier international, du 18 décembre 2008, sur la disparition des civilisations (consultable en ligne pour les abonnés).

Un article sur les Mayas – L’éternité ne dure qu’un temps…

i92621couv946 Ces civilisations qui disparaissent...[…] Peu après son apogée, vers l’an 800 de notre ère, la civilisation maya, la plus avancée de toute l’Amérique à son époque, est entrée en décadence. Des royaumes se sont effondrés, des monuments ont été saccagés, les grandes cités de pierre ont été abandonnées.  L’énigme de son effondrement passionne depuis longtemps les spécialistes. Les événements récents éclairent les travaux sur les Mayas d’une lumière trouble, suscitant de l’anxiété et un mauvais pressentiment. Et si nous devions connaître le même sort que les Mayas ? Si le réchauffement de la planète et la crise financière mondiale étaient les signes avant-coureurs du désastre ? Des gens très sérieux n’hésitent plus à poser ce genre de question.

Nul n’affirme que la végétation va envahir Wall Street ou que des singes hurleurs vont pourchasser des banquiers à costumes rayés dans Manhattan. Les rois mayas qui étaient jugés incapables étaient rituellement torturés et sacrifiés, le pénis transpercé par un dard de raie pastenague. A notre époque, la seule chose sacrifiée, ce sont les primes. Il existe cependant des parallèles frappants entre la chute des Mayas et les convulsions actuelles. “On se croit très différents”, commente l’Américain Jared Diamond, biologiste de l’évolution et auteur du best-seller Effondrement – Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (Gallimard, 2006). “En fait, toutes ces puissantes sociétés du passé se sont crues elles aussi uniques, jusqu’au jour de leur effondrement.” Les Mayas, comme nous, étaient au sommet de leur puissance quand leur civilisation a commencé à se déliter, juge-t-il. A l’heure où les marchés vont droit vers l’inconnu et où la calotte glaciaire continue de fondre, les universitaires et les analystes sont de plus en plus nombreux à tirer la sonnette d’alarme.

Qu’est-il donc arrivé aux Mayas ? Selon la thèse de Diamond, les anciens Mayas ont été victimes de leur succès. La population s’est développée, puisant dans les ressources jusqu’au point de rupture. Les élites politiques ne sont pas parvenues à résoudre des problèmes économiques devenus de plus en plus graves et le système s’est effondré. Il n’a pas fallu de cataclysme ni d’épidémie. Ce qui est venu à bout des Mayas, c’est une lente dégradation de l’environnement que leurs dirigeants n’ont pas vue venir à temps. […]

Certains anthropologues n’aiment guère les rapprochements entre les sociétés anciennes et modernes, car ils estiment que c’est sortir du cadre scientifique. Webster n’est pas de cet avis. “Nous avons en commun avec les Mayas de ne pas percevoir de manière très rationnelle la manière dont le monde fonctionne. Ils avaient leurs rituels et leurs sacrifices – de la magie, en somme. Or nous aussi, nous croyons à la magie : nous sommes convaincus que l’argent et l’innovation nous permettront de franchir les limites inhérentes à notre système, comme si les vieilles règles ne s’appliquaient pas à nous.”

Si les courtiers et leur charabia sur la titrisation et les produits dérivés ressemblent furieusement aux prêtres mayas et à leurs incantations dans les temples, alors Bush et Brown sont ces rois malavisés qui les encourageaient au lieu de mettre en doute leur “magie”. Du temps où il était chancelier de l’Echiquier, Gordon Brown applaudissait aux tours de passe-passe. “Budget après budget, je veux que nous encouragions de plus en plus les preneurs de risques”, déclarait-il en 2004. […]

Plusieurs commentateurs font valoir que la crise financière n’est qu’une bourrasque par rapport à l’ouragan écologique qui se prépare. Une étude européenne estime que la déforestation nous fait à elle seule perdre chaque année un capital naturel d’une valeur située entre 2 et 5 milliards de dollars. Si tel est le cas, les Mayas offrent un aperçu sinistre de ce qui nous attend. “Leur population croissait à un rythme fou, un peu comme si l’on conduisait une voiture de plus en plus vite jusqu’à ce que le moteur explose”, explique Webster, l’anthropologue. “Regardez-nous. J’ai 65 ans. Quand je suis né, il y avait 2 milliards d’individus sur cette planète, maintenant nous approchons des 7 milliards. C’est extraordinaire.” Les contraintes sur des ressources limitées finiront par déborder nos capacités technologiques. “La suffisance occidentale consiste à imaginer que nous pouvons tout avoir – et nous appelons ça le progrès, poursuit Webster. Je suis content de ne pas avoir trente ans de moins. Je ne veux pas voir ce qui va arriver dans quarante ou cinquante ans.” […]

Est-ce que ce sera suffisant ? Les civilisations grandissent – et s’effondrent – pour de nombreuses raisons. S’il y avait une leçon simple à tirer de ces ruines d’Amérique centrale, c’est qu’il faut défendre l’environnement et maîtriser la croissance démographique. C’est ce qu’affirme Michael Coe, auteur en 1966 d’un texte qui a fait école, The Mayas. “Aucune civilisation n’est éternelle, rappelle-t-il. La plupart durent entre 200 et 600 ans.” Les Mayas, les Romains et les Khmers d’Angkor ont duré six siècles. Et nous ? La civilisation occidentale a commencé avec la Renaissance, donc on arrive à 600 ans, assure Coe. La différence, c’est que nous avons le choix entre laisser la situation se détériorer et trouver des solutions. La science nous donne ce choix. Mais il faudra de la volonté de la part des gouvernants comme de la part des citoyens.” Coe, l’un des plus grands spécialistes mondiaux de l’effondrement des civilisations, s’interrompt, puis reprend : A vrai dire, je ne sais pas si nous avons une telle volonté.”  (à lire en intégralité sur le site de Courrier International« )
 

Un second article : Disparition à l’horizon ?

L’apocalypse. La fin de la civilisation. La littérature et le cinéma regorgent de récits de fléaux, de famines et de guerres qui ravagent la planète pour ne laisser que quelques rescapés qui survivent tant bien que mal en menant une existence primitive sur les ruines de l’ancien monde. Dans l’histoire, aucune civilisation n’a échappé à la disparition. Pourquoi en serait-il autrement pour la nôtre ? Les scénarios d’apocalypse reposent le plus souvent sur une catastrophe décisive : gigantesque astéroïde qui menace la Terre, guerre nucléaire ou encore pandémie. Pourtant, il est une autre éventualité tout aussi glaçante : et si c’était la nature même de la civilisation qui la condamnait, la nôtre comme toutes les autres, à péricliter tôt ou tard ?

Ils sont quelques scientifiques à l’affirmer depuis des années. Fait inquiétant, des découvertes récentes dans divers domaines, notamment dans celui de la complexité, semblent leur donner raison. Apparemment, au-delà d’un certain niveau de complexité, une société commence à se fragiliser, tant et si bien qu’il suffit d’une perturbation relativement minime pour provoquer un effondrement total. Nous aurions déjà atteint ce point, estiment certains spécialistes, et il est grand temps de réfléchir à la façon dont nous allons gérer la décadence. A l’inverse, d’autres assurent qu’il n’est pas encore trop tard, mais que nous pouvons – devons – agir sans tarder pour éviter le désastre. […]

Mais Homer-Dixon doute que nous puissions totalement éviter la décadence. Des tensions “tectoniques”, estime-t-il, feront sortir notre système rigide et très interdépendant de l’éventail de conditions bien précises auquel il est de plus en plus finement accordé. Il peut s’agir de croissance démographique, du creusement du fossé entre riches et pauvres, d’instabilité financière, de prolifération des armes, de disparition des forêts et des ressources halieutiques ou encore du changement climatique. Et, si nous imposons de nouvelles solutions complexes [à ces tensions], nous retomberons sur le problème du rendement décroissant – au moment même où se profile la fin de l’énergie abondante et bon marché. […]

Les enjeux sont énormes. Dans l’histoire, tous les déclins de civilisations se sont traduits par un fort recul démographique. “La population à son niveau actuel repose sur les carburants fossiles et l’agriculture industrielle, remarque Joseph Tainter. La disparition de ces deux facteurs entraînera une chute de la population mondiale dans des proportions effroyables.” Si la civilisation industrielle entre vraiment en décadence, ce sont les citadins, soit la moitié des habitants de la planète, qui seront les plus vulnérables. Et nous pourrions perdre ainsi l’essentiel de notre savoir si durement gagné. “Ceux qui ont le moins à perdre sont les paysans pratiquant l’agriculture de subsistance”, précise Yaneer Bar-Yam ; ceux qui survivront pourraient même voir leurs conditions de vie s’améliorer. Un mal pour un bien ? (à lire en intégralité sur le site de Courrier International« )

 

Et un dernier sur les épidémies : On se tient tous par la barbichette…  

Depuis des années, on nous prédit une pandémie. De grippe ou d’autre chose. Nous savons que des quantités de gens vont mourir. Aussi terrible que puisse être une telle perspective sur une planète de plus en plus surpeuplée, on ne peut s’empêcher de se demander si, d’une manière ou d’une autre, les survivants ne s’en trouveraient pas mieux. Ne serait-il pas plus facile de transformer la société moderne en quelque chose de plus viable si – Dieu nous préserve – nous étions un jour moins nombreux ?

Mais pourrait-on revenir à un semblant de vie normale après une pandémie dévastatrice ? Des virologues parlent parfois de leurs scénarios cauchemardesques – une épidémie d’Ebola ou de variole – comme de “la fin d’une civilisation”. […]

Une idée très répandue veut que la société ait atteint une dimension, une complexité et un niveau d’innovation qui la mettent à l’abri de l’effondrement. “C’est un argument si enraciné dans notre inconscient et dans le discours public qu’il a pris le statut de réalité objective. Nous nous croyons différents”, écrit Jared Diamond, biologiste et géographe à l’université de Californie à Los Angeles, dans Collapse, un livre publié en 2005 [édité par Gallimard en 2006 sous le titre Effondrement]. Un nombre croissant de chercheurs suggère cependant que, loin d’être plus résistante, notre société est de plus en plus vulnérable. Si une grave pandémie éclatait, la maladie pourrait n’être que le début de nos problèmes. Aucune étude scientifique – du moins parmi celles qui ont été publiées – n’a cherché à savoir si une pandémie à forte mortalité pourrait entraîner l’effondrement de la société. La grande majorité des plans de lutte contre les phénomènes pandémiques ne prend pas en compte le fait que des systèmes fondamentaux pourraient s’écrouler.  […]

Bien entendu, il y a déjà eu de nombreuses pandémies. En 1348, la Peste noire a décimé un tiers de la population de l’Europe. Son impact a été énorme, mais la civilisation européenne ne s’est pas effondrée pour autant. Au XIVe siècle, l’Europe fonctionnait selon une hiérarchie féodale dans laquelle plus de 80 % de la population était paysanne. Chaque mort représentait un producteur mais aussi un consommateur de moins, si bien que les conséquences n’ont pas été dramatiques. “Dans une hiérarchie, aucun membre n’est crucial au point de ne pas pouvoir être facilement remplacé”, observe Yaneer Bar-Yam, directeur de l’Institut des systèmes complexes de Nouvelle-Angleterre à Cambridge, dans le Massachusetts. “Les monarques mouraient, mais la vie continuait.”

Dans une structure aussi intriquée que la nôtre, cependant, M. Bar-Yam pense que la perte de personnages clés pourrait être décisive. “Dans un système très complexe, la perte inconsidérée d’éléments est très dangereuse, dit-il. L’un des résultats fondamentaux de la recherche est que, dans des systèmes d’une grande complexité, les individus ont de l’importance.” La même conclusion s’est dégagée d’une source totalement différente : des simulations dans lesquelles des décideurs politiques et économiques imaginent ce qui se produirait si une pandémie de grippe éclatait. “L’un des grands moments est toujours celui où les dirigeants d’entreprise se rendent compte à quel point ils ont besoin de personnages clés”, souligne Paula Scalingi, qui effectue des simulations de pandémie pour la région économique du Nord-Ouest du Pacifique, aux Etats-Unis. “Les gens constituent l’infrastructure essentielle.” […]

Si une épidémie s’installe, certains pays seront peut-être tentés de fermer leurs frontières. Mais imposer une quarantaine n’est plus désormais une solution. “Aujourd’hui, aucune nation n’est autosuffisante pour quoi que ce soit”, remarque John Lay, responsable de la préparation aux situations d’urgence chez ExxonMobil. […]

Aussi l’ultime question est-elle : si une foule d’individus mouraient et si de nombreux équilibres étaient menacés, serions-nous capables de remettre le système en état de fonctionner ? “Cela dépendrait en grande partie de l’importance du déclin de la population”, estime l’anthropologue et historien Joseph Tainter, de l’université de l’Utah. “L’éventail des possibilités va d’un effet mineur à une récession modérée ou une crise majeure, et se termine sur un effondrement.” (à lire en intégralité sur le site de Courrier International« ) 

civilisations-complexes Ces civilisations qui disparaissent...

Evoquer la disparition des civilisations ne peut se faire sans référence à l’essai fondamental de Jared Diamond, Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (Gallimard, “NRF Essais”, 2006) 

Le livre est une étude comparée de la disparition de certaines civilisations telles celles des Mayas ou des Vikings du Groenland, mais aussi de l’adaptation d’autres qui ont su évoluer et survivre, notamment celle du Japon de l’ère Tokugawa. Pour Diamond, biologiste et géographe, le poids de l’environnement ne saurait à lui seul tout expliquer, même s’il est essentiel. Le chercheur recense cinq facteurs influant sur la disparition – ou la survie – d’une civilisation : un environnement altéré ; une modification du climat ; des conflits avec les populations voisines ; une dépendance liée aux échanges commerciaux ; et, enfin, facteur clé, le type de réponses apportées par une société, selon ses croyances et ses valeurs, aux problèmes qui se présentent à elle.